AERES: en finir avec l’agence de notation de l’enseignement supérieur et de la recherche,par Christian Topalov, directeur d’études à l’EHESSAERES: en finir avec l’agence de notation de l’enseignement supérieur et de la recherche.La sénatrice chargée du rapport sur le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, MmeDominique Gillot, a annoncé récemment que la suppression de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), prévue par le texte du gouvernement, devrait encore faire l’objet d’un «débat»: « Nous n’avons pas entendu, dit-elle, de demande de suppression de cette évaluation au sein de la communauté universitaire. »Étrange surdité: s’il est une institution née du dit «pacte pour la recherche» de 2005 qui suscite la protestation générale, c’est bien celle-là. C’est en 2007 que l’AERES a été mise en place: après cinq années d’expérience, universitaires et chercheurs savent assez bien maintenant comment fonctionne et à quoi sert cette agence. C’est d’abord un bref bilan de leur expérience commune que je voudrais proposer.Noter, c’est pour exclureIl est bon de commencer l’histoire par la fin, car c’est seulement en 2011 que le rôle de l’AERES dans la restructuration de l’université française est apparu dans toute son ampleur: au moment de la mise en place des «laboratoires d’excellence» (labex) et des «initiatives d’excellence» (idex) à qui reviendraient les ressources virtuelles du «grand emprunt». Au moment donc, où le gouvernement de M.Sarkozy a voulu imposer le partage entre les «excellents» et les autres, entre les gagnants et les perdants, les vainqueurs et les vaincus, dans la concurrence libre et non faussée qui devrait désormais régir ce que nous pensions être un service public.Je serai bref sur les «jurys internationaux» chargés de sélectionner les candidats: nommés par le ministère (sous les espèces de l’Agence nationale pour la recherche) pour entériner les choix du ministère, leurs moindres erreurs était corrigées par des coups de téléphone bien placés, leur rôle se bornant à vérifier que les projets étaient rédigés dans la langue du nouveau management de la science: «gouvernance resserrée», «innovation thématique», «démarche qualité». Dans les communautés scientifiques concernées, y compris parmi les candidats, ces caricatures de jury étaient d’ailleurs l’objet d’un scepticisme général, voire d’un mépris mérité.Et l’AERES dans cette affaire? C’est une agence d’évaluation indépendante, expliquait-on, ses avis ont pour seul but de vous aider à vous évaluer vous-mêmes et ainsi à vous améliorer constamment, elle n’a rien à voir avec les autorités qui prennent des décisions de financement. Sauf qu’il était bien clair lorsque furent rédigés, dans la précipitation générale, les projets pour les «initiatives d’excellence» que seules des unités notés A+ ou A par l’AERES pouvaient entrer dans un «labex». Bien clair aussi qu’au sein des établissements composant les super-universités du futur (les «idex»), seul un «périmètre d’excellence» bénéficierait de la manne du grand emprunt. Et pour être inclus dans le dit périmètre, bien sûr, il fallait avoir été noté A+ ou A. Etait ainsi instaurée une concurrence au couteau non seulement entre établissements, mais aussi à l’intérieur de chacun d’eux. Certains présidents d’université l’ont bien compris, qui commencent à moduler les ressources de leurs unités de recherche en fonction de la note de l’AERES.Les «initiatives d’excellence» nous ont donc appris quelque chose d’important: quand l’AERES note, c’est pour exclure. Toutes les agences de notation du monde se ressemblent, à cet égard: les notes de Moody’s et Standard & Poor’s sont performatives. Lorsque celle d’un État ou d’une entreprise est dégradée, le coût de ses emprunts s’élève et ses difficultés s’accroissent. Une agence de notation a toujours raison.Lire la suite sur le site de SLU …Ou télécharger ci-dessous le texte au format pdf.
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