Sur lefigaro.fr, en date du 16/5/13:La seconde jeunesse des héros de notre enfanceCaroline , Émilie , Sylvain et Sylvette , le Père Castor sont plébiscités par les enfants. Mais tous les succès d'hier ne font pas ceux d'aujourd'hui.Au départ, ce sont des messages reçus sur son ordinateur qui ont alerté Domitille de Pressensé. Des jeunes femmes lui demandaient où elles pouvaient trouver les albums d' Émilie . Elles les avaient lus étant petites et cherchaient à les faire découvrir à leurs enfants. La créatrice de cette héroïne, qui avait fait les beaux jours de la collection «Rouge et or» 1 à la fin des années soixante-dix, se dit alors que son Émilie pouvait peut-être plaire aux enfants d'aujourd'hui. Elle avait vu juste. Casterman 2 s'embarqua avec elle dans l'aventure de la réédition des albums. Depuis 2008, le succès d' Émilie ne faiblit pas. Les albums anciens sont réédités, l'auteur en crée même de nouveaux. La fillette à la capuche rouge n'est pas la seule à bénéficier de ce regain d'intérêt pour les héros des décennies précédentes. Caroline 3 , avec ses couettes blondes et sa salopette écarlate, s'offre un anniversaire en fanfare (soixante ans tout rond!), les albums mythiques du Père Castor 4 sont revisités par les illustrateurs contemporains, les «antédiluviens» Sylvain et Sylvette se vendent toujours à 30.000 exemplaires par an et, d'ici à la fin du mois, Belle et Sébastien reprendront du service.Le classique rassureL'édition jeunesse succomberait-elle à la vague du vintage qui s'empare aussi des secteurs du design, de l'habillement ou de la musique? En partie mais pas seulement, selon les éditeurs concernés, ravis de revivifier leurs fonds. «Le mot vintage me paraît réducteur car il évoque quelque chose de daté. Je parlerais plutôt d'un retour vers les classiques qui a débuté il y a trois ans environ. Le contexte économique y est certainement pour quelque chose. Les héros de l'enfance rassurent», explique Sarah Koegler, directrice de HachetteCrédits photo : Editions HachetteJeunesse qui distingue une autre cause: «On sort de deux décennies de surmédiatisation de certaines séries destinées à la jeunesse. Celles-ci étaient dopées par un phénomène de licences appliquées à la télévision et aux jeux vidéo. Les parents ont pu être assommés par l'apparition et la disparition tout aussi subites de modes. Ils ne s'y retrouvaient pas et se sont tournés alors vers ce qu'ils connaissaient plus jeunes. Mais il n'y a pas de recette. Tous les succès d'hier ne font pas ceux d'aujourd'hui.»Mais il n'y a pas de recette. Tous les succès d'hier ne font pas ceux d'aujourd'hui.Car les enfants ont évolué. Et tous les univers ne sont plus au goût du jour. Avant de relancer la série Caroline , Hachette s'est longuement penché sur le sujet, en étudiant les histoires à la loupe. Le constat a été rapide: elles n'avaient pas vieilli. Les tests sur les enfants confirmaient l'intuition. « Pierre Probst 5 n'a jamais cherché à être à la mode. Il a choisi le registre de l'aventure un peu surréaliste en imaginant une fillette entourée d'une flopée d'amis animaux. Le fait que Caroline ait un petit côté garçon manqué joue certainement. Même sa salopette reste une valeur sûre! Certes, on trouve de temps en temps un véhicule un peu daté mais Probst lui-même avait rafraîchi les albums dans les années 1980. Il en résulte une grande cohérence.» Cette cohérence ne va pas non plus sans une certaine intemporalité. Babar , Martine , le Club des cinq, Caroline, Émilie évoquent la vie quotidienne sans l'ancrer dans une époque définie. Les personnages communiquent de visu sans ordinateur ni portable.Les parents sont souvent absents. Les héros qui sont à peine plus âgés que leurs lecteurs ont des privilèges de grands (Caroline conduit son automobile, Émilie part en pique-nique, les Cinq enquêtent…) et les valeurs traditionnelles ne sont jamais remises en cause. Tout cela crée un cocon rassurant dans lequel on peut laisser ses enfants baguenauder à leur guise. «Il ne faut pas non plus négliger la construction de l'histoire, son rythme, la manière dont le texte et les images s'articulent parfaitement. Les histoires du Père Castor sont à ce titre exemplaires. Ce sont des ouvrages que les enfants ont envie de reprendre comme s'ils recelaient toujours de nouvelles surprises, explique Bénédicte Roux, responsable éditoriale chez Flammarion 6. L'éditrice reconnaît toutefois que, pour plaire à ces âges, il faut d'abord séduire les parents qui achètent, d'où l'importance de l'attachement affectif qui lie chacun à ses histoires d'enfance.Héroïnes relookéesLes éditeurs soulignent aussi le côté cyclique de l'édition jeunesse, fait d'éternels recommencements. Parfois, il suffit d'un dessin animé ou d'un film pour remettre en selle un héros comme cela devrait l'être bientôt pour Belle et Sébastien . Le roman jeunesse de Cécile Aubry 7 qui avait été porté sur le petit écran dans les années 1960 va ainsi faire l'objet d'une nouvelle adaptation cinématographique à la fin de l'année. Nicolas Vanier 8 qui réalise le film a aussi entrepris de réécrire l'histoire. Il en donne une version très personnelle dans un nouveau roman qui paraît à la fin du mois. Un ouvrage cette fois plutôt destiné aux adultes qui sont bien le nerf de la guerre. «Je suis toujours aussi charmée de voir comment les femmes me parlent aujourd'hui d'Émilie, en me disant combien elles aimaient lire ses histoires», s'émerveille Domitille de Pressensé qui a accepté de «rafraîchir» un peu sa petite héroïne, autre condition pour coller à l'époque. Ainsi dans le monde du Père Castor où des illustrateurs contemporains planchent sur Michka et Boucle d'or ou pour Caroline qui ressort dans de petits ouvrages légèrement retravaillés même si, anniversaire oblige, le premier album, datant de 1953, est réédité en fac-similé. Chez Hachette 9, le succès de la réédition récente des petits livres argent et or (650 000 exemplaires vendus) donne des ailes. Et on regarde désormais d'un œil intéressé les vieilles gloires du passé, trésors de la maison, comme Bécassine qui pourrait, elle aussi, reprendre du service.Une fête chez Caroline, de Pierre Probst, Hachette, 32p., 12,9€.Émilie et le pique-nique de Domitille de Pressensé, Casterman, 28p., 5,75€.Belle et Sébastien de Nicolas Vanier, d'après l'œuvre de Cécile Aubry, XO, 374 p., 19,90€ (en librairie le 23mai).
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