Appel à communicationsColloque interdisciplinaireAngers – 27 et 28 mars 2014Université Catholique de l’Ouest (Grihlam)Archives Départementales de Maine et LoireBiographie et exemplarité. Une vie pour l’exemple?L’exemplarité est sans doute la valeur la plus ancienne du récit de vie [1] . Mais, entendue dans son sens le plus fondamental de choix, d’objet sélectionné au milieu du réel non pas seulement pour en dégager un sens mais aussi une fonction, une utilité, qui lui sont inhérentes ou conférées, la notion d’exemple semble au cœur de la méthode biographique. L’exemple est donc à entendre comme modèle mais aussi et d’abord comme un filtre interprétatif posé sur le réel et son foisonnement, un crible.La démarche biographique en a-t-elle fini avec l’exemplarité?Nous souhaitons par ce colloque contribuer à la réflexion engagée depuis bientôt 30 ans – si l’on prend comme point de départ l’article de Pierre Bourdieu «L’illusion biographique» qui déniait aux sciences sociales la possibilité de conférer une valeur au procédé rhétorique du récit [2] , et des réflexions engagées par les «micro-historiens» sur leurs propres pratiques dans les années 1980 [3] –, en tenant compte du fait que les sociologues et les historiens regardent la littérature comme un modèle encombrant ou inespéré, et au regard de la floraison apparemment intarissable du genre [4] . Une telle dynamique biographique est-elle simplement issue d’une illusion fondée sur des paramètres aussi vagues que la valorisation de l’individu, l’identification, le goût de l’histoire et de l’histoire vraie – explication qui achoppe devant la floraison des «vies imaginaires» –, ou le recul devant la complexité des aventures collectives, fictives ou réelles? En renouant avec la catégorie «ancienne» de l’exemplarité, qui fait spontanément sens pour les récits de vie médiévaux et les grandes vies héroïques du XIXe siècle, nous souhaitons interroger à nouveau l’activité biographique comme une démarche modélisante vis-à-vis du réel, et par là nécessairement problématique.En déclinant l’éventail sémantique du terme «exemple», nous pouvons alors aborder les questions suivantes:Le choix comme essence de la démarche biographique. Du sujet raconté (la «cible» a-t-elle une valeur réflexive? on pense par exemple aux vies d’écrivains par des écrivains, aux biographies politiques par des hommes politiques…); des éléments de la vie (on pourra revenir sur la notion de «biographème» suscitée par Barthes pour expliquer le choix intime du détail sur lequel s’arrête le récit [5] ) – au-delà des invariants repérés [6] : y a-t-il choix ou refus du choix? Comment se «joue» ce conflit entre la sélection et le refus de la sélection? Comment penser la notion de «biographie non autorisée»?L’exemplarité en elle-même. Des «grands hommes» passés aux «vies minuscules» d’aujourd’hui; du «héros» au «cas»…: l’exemplarité est-elle nécessairement à l’œuvre dans le processus de la biographie? choisir d’écrire une vie très obscure est-elle une manière de contourner cette assignation [7] ? est-ce possible [8] ?Le texte exemplaire. En dehors de la source, le biographe utilise-t-il un texte référence à l’intérieur duquel il inscrit son écriture? (on se réfère ici au travaux sur l’hagiographie comme réécriture); la forma : la vie conçue comme adhésion à un modèle symbolique, moral ou idéologique, permet-elle d’organiser la biographie et de la justifier [9] ? Enfin on pourra s’intéresser au destinataire et au processus singulier de la lecture de la biographie, car s’il y a une avalanche de biographies, c’est bien qu’elles rencontrent leur lecteur: la notion d’exemple, de modélisation, peut-elle rendre compte du phénomène spécifique de l’identification au personnage, héros de sa propre existence?En raison du caractère pluridisciplinaire du colloque, on privilégiera un éclairage méthodologique à partir d’études de cas.Comité scientifique:Bruno Cabanes (Yale University)Jean Delabroy (Université Paris VII-Denis Diderot)Gérard Gengembre (Université de Caen)Christian Ingrao (IHTP, Institut d'Histoire du Temps Présent, CNRS)Elisabeth Mathieu (Université d’Angers)Christophe Pichon (UCO)ModalitésMerci d'envoyer vos propositions de communication accompagnées d'une brève bio-bibliographie conjointement à Anne Rolland-Boulestreau ( anne.rolland@uco.fr ) et Laura Naudeix ( naudeixl@orange.fr ) avant le 10 novembre 2013.[1] Pour des travaux récents sur la notion d’exemplarité on mettra en regard Littérature et exemplarité , Emmanuel Bouju, Alexandre Gefen, Guiomar Hautcœur et Marielle Macé (dir.), Rennes, PUR, 2007 et Construire l'exemplarité. Pratiques littéraires et discours historiens (XVIe-XVIIIe siècles), Laurence Giavarini (éd.), Dijon, EUD, 2008.[2] Pierre Bourdieu, «L’illusion biographique», Actes de la Recherche en Sciences Sociales , n°62/63, Paris, 1986, repris dans Raisons pratiques, Sur la théorie de l'action , Paris, Éd. du Seuil, 1994. Voir en réponse l’analyse de Jean-Claude Passeron, «Biographies, flux, itinéraires, trajectoires», Revue française de sociologie , 1990, 31-1, pp. 3-22.[3] Citons Giovanni Levi, «Les usages de la biographie», Annales. Économies, Sociétés, Civilisations . 44e année, n°6, 1989, pp.1325-1336; Jacques Revel (dir.), Jeux d'échelles, La micro-analyse à l'expérience , Paris, Hautes-Etudes, Gallimard/Le Seuil, 1996.[4] Que constatait l’un des derniers numéros de la revue Critique , entièrement consacré à une recension d’ouvrages et d’œuvres littéraires biographiques: « Biographies , modes d'emploi », Critique , Antoine Compagnon et Philippe Roger (dir.), 2012-6, n° 781-782.[5] Sade, Fourier, Loyola , 1971.[6] Notamment par Philippe Lejeune: Le Pacte autobiographique , Paris, le Seuil, 1975.[7] Alain Corbin, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d'un inconnu, 1798-1876 , Paris, Flammarion, 1998, p.171: « Ce qui vaut pour Origny-le-Butin ne se retrouve peut-être pas dans toutes les communes du Haut-Perche ».[8] Carlo Ginzburg, «Signes, traces, pistes. Racines d'un paradigme de l'indice », Le Débat , n°6, Gallimard, 1980, p.15: «élargir vers le bas le concept historique “d'individu” n'est pas un mince objectif. Le risque existe, assurément, de tomber dans l'anecdote et dans l'histoire événementielle tant décriée».[9] Jacques Le Goff, Saint-Louis , Paris, Gallimard, p.513, cité par Patrick Boucheron, «Saint Louis, comédien et martyr : l'écriture d'une vie», Médiévales , N°34, 1998, Hommes de pouvoir: individu et politique au temps de Saint Louis , p.76.
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