Colloque international, 4-5 octobre 2013 Imre Kertész: éthique du récit et forme d’existenceà l’ENS-ULM, salle Dussane Vendredi 4 octobre (Collège de France, amphithéatre Marguerite de Navarre)Matin 9h15-10h30 Ouverture à trois voix, Catherine Coquio, Lucie Campos, Clara RoyerL’œuvre d’Imre Kertész en contexte politiqueet littéraire10h30-12h30 (présidence: Lucie Campos )1. Susan Suleiman: Langue, identité, nation2. Sára Molnár: How to tell about identity, freedom or happiness in Auschwitz? – Kertész’s “false notes” – conférence en anglais3. Jean-Yves Potel: Le socialisme réel vu par Kertész4. Alexandre Prstojevic: Kertész en SerbieAprès-midi: Création littéraire et connaissance philosophique14h30-16h30 (présidence: Eric Marty)1. Marc Crépon: Le récit, à l'épreuve de la violence : une lecturede Imre Kertész2. Zsuzsa Selyem:Being a subject – conférence en anglais.3. Péter Szirák: L’étrangeté du destin personnel [A saját sors idegensége (Kertész Imre: Sorstalanság )] – conférence en hongrois17h- 18h (Présidence Paul Gradvohl)Conférence László Földényi (en hongrois avec traduction)18h-18h45 Dialogue entreL. Földényi et Charles & Nathalie Zaremba20h Accueil à l’Institut Hongrois par Balázs Ablonczy et cocktail dînatoireSamedi 5 octobre (ENS-Ulm, salle Dussane)Matin: Éthique et forme9h-9h15 Accueil à l’ENS-Ulm par Jean-Charles Darmon9h15-11h15 (présidence: Philippe Daros)1. György Vári: Against Metaphor, Against Fate – conférence en anglais2. András Kányádi: La métaphore échiquéenne3. Judit Maar: Construction de l’espace et sens du lieu4. Luba Jurgenson : Nazisme et communisme dans l’œuvre et la pensée d’Imre Kertész11h30-12h30 Table ronde «Nouvelles lectures critiques» présidée parEmmanuel Bouju: Gabrielle Napoli(La fable rêvée du survivant), Frederik Detue (Témoigner, et après? la littérature face aux dénis de l’histoire), Claire Laloyaux (Le vertige de la forme souveraine), Christiane Page (Usages de la scène).Après-midi: L’écriture de la vie 14h-16h (présidence : Florence Noiville)Irene Heidelberger-Leonard : Kertész et l’AllemagneTable ronde«L’écriture de la vie» : Guillaume Métayer (Nietzsche et Kertész), Frosa Pejoska (De la liquidation à la création), Paul Gradvohl (Kertész et Charlotte Delbo), Daniel Oppenheim (Le parcours du chercheur de traces).16h30-18h (Présidence: Clara Royer)Conférence de Gábor Schein et László Márton (en hongrois avec traduction)18h-19h (Présidence Catherine Coquio)Perspectives à trois voix: Claude Mouchard, Michel Deguy, Frédéric Worms.19h, Cocktail de clôture, ENS (rotonde)Présentation«Je suis le medium de l’esprit d’Auschwitz, Auschwitz parle par moi».«Mon rapport au monde est exclusivement subjectif et éthique. (…) Je ne veux pas regarder le monde rationnellement pour qu’il me regarde rationnellement à son tour; je ne désire pas l’équilibre. Je veux l’existence, l’opposition; je veux le destin, mais un destin qui soit le mien, que je ne partage avec rien ni personne».«Qu’est-ce que la forme? La brèche la plus étroite à travers laquelle nous devons faire passer notre vastitude tout entière pour la sauver».«Ecrire une œuvre, élaborer une construction organique et humaine ici, maintenant, dans cette situation, est une activité humoristique, pour ne pas dire comique».Ces réflexions sont tirées du Journal de galère d’Imre Kertész, aux années 1973 et 1979. Elles pourraient constituer le point de départ d’une réflexion collective sur les enjeux esthétiques, éthiques et politiques de cette œuvre considérable, où une philosophie de l’existence s’arrime à un morale créationniste malgré la pleine conscience de l’épreuve radicale que les régimes totalitaires et l’expérience d’Auschwitz font subir aux valeurs de l’art. Cette «situation» historico-politique transporte l’acte d’écriture littéraire, et la vie qui s’y trouve intégralement entraînée, dans le domaine de la dérision, qui constitue dès lors la condition de survie mais aussi le matériau de l’œuvre «humoristique».Chez Kertész, la réflexion sur la teneur éthique de la forme artistique s’ancre toujours dans un «ici» et «maintenant» qui se réfléchit de manière aiguë dans l’œuvre d’art. Or cet «ici» et «maintenant» ont changé, entre l’époque où l’auteur écrivait ces lignes, dans la Hongrie communiste du régime de Kadar, et aujourd’hui où nous les lisons, alors que, plus de vingt ans après la chute du Mur, il connaît une reconnaissance internationale. Cette consécration se fait sur fond d’une internationalisation de la mémoire de la Shoah, qui suscite chez l’écrivain hongrois une réflexion profondément inscrite dans son travail de création littéraire comme dans ses essais et journaux.En 2002, Imre Kertész recevait le prix Nobel de littérature pour son œuvre extrêmement singulière, en dehors de tout genre établi et de tout poncif mémoriel, entre témoignage et fiction, essai et récit. Parlant en survivant des camps nazis et en témoin de du totalitarisme communiste dans sa version hongroise dite «communisme Goulash», Kertész exposait son «heuristique» d’écrivain tout en affirmant qu’Auschwitz avait «mis la littérature en suspens», faisant de l’appartenance à la littérature une question. Celle-ci est subordonnée à la question plus large du rapport de l’art à l’inhumain, toujours ouverte, et aux formules à définir d’une philosophie morale adéquate à la «situation» présente.Kertész y répond par une exploration éthique axée sur les notions d’«existence» et de «destin», de «forme» et de «témoignage». Elle le conduit personnellement à une certaine morale du «destin», entièrement singulière malgré la reprise volontaire de ces vieux mots chargés. Cette morale, qui se constitue en acte dans les romans, de Etre sans destin à Liquidation en passant par Le Refus et Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas , revient à «sauver» l’existence par une «forme» sans cesse reconstruite dans la langue natale, conduisant à un récit adressé et essentiellement destiné , capable de transformer l’expérience en «vie exemplaire», quand bien même le public destinataire ferait défaut: la forme du récit de soi place cette vie «sous le regard» d’une entité morale anonyme en l’absence de Dieu.Mais Kertész questionne cette morale personnelle au regard de sa pertinence sociale et de son usage collectif: «je ne veux pas être sauvé dans un monde damné», écrit-il dans Un autre. Chronique d’une métamorphose , journal de la célébrité qui fait pendant au Journal de galère. Dans ses journaux, comme dans ses essais rassemblés dans L’Holocauste comme culture , une réflexion proprement philosophique s’élabore, toujours inscrite dans une forme littéraire ou suscitée par le phénomène de l’art, qui lui fait formuler certaines propositions : appropriation critique d’un «mythe d’Auschwitz» conduisant à une éthique nouvelle; nécessité d’une «catharsis» morale pouvant passer par l’œuvre d’art et sa transmission; soumission de la mémoire collective à la pensée critique ; recherche d’une conduite politique et culturelle prenant acte de l’effondrement de l’humanisme ancien et de la destructivité des utopies politiques, mais soucieuse de réactualiser les grandes exigences héritées de l’Europe des Lumières: liberté, lucidité, bonheur.Vingt ans après les premières traductions allemandes de ses textes, dix ans après l’attribution d’un prix Nobel que l’auteur qualifiait lui-même d’une «marque de courage», mais avec laquelle il a pris rapidement certaines distances, la position d’Imre Kertész dans le paysage occidental reste empreinte d’une grande radicalité, et s’inscrit avec fermeté dans l’ensemble plus large d’une civilisation qui doit toujours composer à partir du «point zéro » qu’est Auschwitz.Convaincus que cette œuvre constitue une des plus importantes réflexions contemporaines sur l’après Auschwitz et «l’Holocaustecomme culture », sur l’état de notre monde et de son devenir, en même temps qu’une construction formelle originale et forte, nous souhaitons ouvrir un champ de questionnements sur ces enjeux éthiques et philosophiques en passant par l’étude attentive de ses textes , et en tentant d’interpréter l’ensemble qu’ils constituent aujourd’hui: romans, récits, journaux, essais, articles, entretiens.Ce colloque sera l’occasion de mener à un niveau international une réflexion sur les questions qu’ouvre cette œuvre : lien entre création littéraire et connaissance philosophique, entre témoignage et vérité, entre fiction et interrogation morale.On le fera en prenant en compte les contextes historico-politiques dans lesquels cette œuvre a été produite - en Hongrie communiste, puis en exil à Berlin – et la disparité et l’évolution de sa réception en Hongrie, en Europe de l’Ouest et aux Etats-Unis. On réfléchira sur la manière dont le régime communiste et la censure ont pesé sur cette œuvre longtemps privée d’un public réel, avant de connaître une consécration rapide peu après la chute du Mur via l’Allemagne de l’Ouest. On se penchera sur la spécificité des aspects littéraires de ses textes, sa tournure philosophique, son double ancrage dans la langue hongroise et dans un espace plus large de références européennes.PartenariatsCe colloque «Imre Kertész», piloté par Lucie Campos, Catherine Coquio et Clara Royer, sera encadré conjointementpar:- à Paris-Diderot le CERILAC (dir. N. Piégay-Gros), axes «Pensée et création contemporaines » et «Ecrire et penser avec l’histoire».- à l’ENS-Ulm, le CRRLPM Centre de Recherches sur les Relations entre Littérature, Philosophie et Morale, animé par J.Charles Darmon, affilié au CIEPFC (Centre International d’Etude de la Philosophie Française), dirigé par Frédéric Worms.- à l’Université Paris IV, le CIRCE (Centre Interdisciplinaire de Recherches Centre Européennes), composante de l’équipe 4084 CRECOB (directrice Mme Depretto), auquel collabore Clara Royer.- à l’Université Paris III, le CIEH-CIEFI (Centre Interdisciplinaire d’Etudes Hongroises et Finlandaises), dirigé par Judit Maar.Avec le soutien de:- l’Institut Hongrois de Paris.- la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.Ce colloque s’inscrit au croisement de plusieurs démarches intellectuelles :1 - l’une qui, menée au Cerilac à Paris-Diderot (axes « Pensée et création contemporaines » et «Penser et écrire avec l’histoire») après l’avoir été dans l’équipe «Littérature et histoires» de P8, se concentre sur les relations contemporaines entre littérature, histoire et politique, et sur les formes littéraires du témoignage historique et de la réflexion sur le temps collectif. Elle s’est exprimée, d’une part, par la création en 2011 de la collection transversale «Littérature, histoire, politique», dirigée par Catherine Coquio, Lucie Campos et Emmanuel Bouju, et d’autre part par deux colloquesinternationaux en 2013 : - «Littérature et Histoiresen débats», les 10-12 janvier 2013, piloté par Catherine Coquio et Lucie Campos dans le cadre du Labex Arts et médiations humaines (P 8-Archives Nationales), et auquel se sont associés le CRAL (EHESS) et l’ENS-Ulm;- «Le témoignage censuré de la Shoah en URSS», piloté par Annie Epelboin (MCF Paris 8) et Asia Kovrigina (Doctorante Paris 7), les 16 et 17 mai 2013.2 - celle qu’élabore depuis plusieurs années le Centre de Recherches sur les Relations entre Littérature, Philosophie et Morale à l’ENS-Ulm (Jean-Charles Darmon et Frédéric Worms), à travers des colloques sur la catharsis, l’imposture, l’immoralité en art, la censure…3 - L’ANR «Récits du passé, entre fiction et réalité» pilotée par la Casa Velasquez en collaboration avec l’INALCO, Montpellier III, Bordeaux III, CRAL, et à laquelle participent Catherine Coquio et plusieurs intervenants au colloque.COMITESComité d’organisationLucie Campos Collège de France-Vie des idéesCatherine Coquio Paris-DiderotJean-Charles Darmon ENS-Ulm / Université Saint-QuentinClara Royer Paris 4Susan Suleiman HarvardFrédéric Worms ENS-UlmComité scientifiqueLucie Campos Collège de Fr. Maître de conférencesCatherine Coquio Paris 7 ProfesseurPaul Gradvohl Nancy 2 ProfesseurGabrielle Napoli Paris 3 EnseignanteJudit Maar Paris 3 ProfesseurClara Royer Paris 4 Maître de conférencesSusan Suleiman Harvard ProfesseurFrederic Worms ENS-Ulm Professeur
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