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Channel: Fabula, la recherche en littérature
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Le travail de la liste

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Toute approche de la liste se confronte au « vertige taxinomique » dont parlait Georges Perec1. Réfléchir sur la liste en général est une gageure en raison de la dispersion des pratiques, et une étude précise des divers types de listes, si elle était possible, ne serait qu’une longue paraphrase. Entre la totalisation abusive et la collecte érudite, il y a place, cependant, pour une lecture transversale. L’un des intérêts du livre de Bernard Sève est de proposer une interprétation de la liste qui échappe aussi bien à la tentation d’un inventaire répétant la forme de son objet, qu’au traitement détaillé d’un aspect particulier de la pratique laissant dans l’ombre l’ensemble du répertoire dont il est solidaire.Une définition préalable de la listeLe propos de B. Sève n’est pas de rendre compte de la pratique littéraire de la liste, bien qu’il trouve dans la littérature matière à démonstration. B. Sève note à cet égard l’essor récent de travaux portant sur des domaines particuliers de l’histoire culturelle ou littéraire (l’épopée homérique, les littératures médiévales, la pratique de l’énonciation en catalogue) ou présentant une mise en forme de la notion de liste en littérature à partir d’entrées monographiques2. Partir de la pratique littéraire aurait supposé de mettre entre parenthèses l’amplitude d’un répertoire de formes reliées entre elles, allant des listes‑ustensiles aux listes savantes. Ce que l’enquête anthropologique dit des listes est ici particulièrement précieux car elle permet de penser ce répertoire différencié à travers l’unité de la pratique. B. Sève a pour cette raison recours au travail fondateur de Jack Goody3 dont il extrait une définition préalable de la liste. Si l’intention de J. Goody est d’abord de pointer les défaillances et les anachronismes de la tradition anthropologique, ses réflexions sur les premiers usages de la liste permettent d’en dégager un « type pur ». Une « simple liste » se définit en premier lieu comme une pratique actualisant les limites et les potentialités du langage. Les « listes de choses » n’existent pas, et le matériau des listes est bien celui du langage car elles ne peuvent contenir que des noms. La liste est par ailleurs une pratique séquentielle qui se déploie dans la succession de la parole et de l’écriture. Ces deux particularités font comprendre que la liste n’est pas tout à fait un ensemble, c’est‑à‑dire une appréhension synchronique des choses, et que le découplage entre les mots et les choses libère l

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