En prenant pour objet de son ouvrage le monologue dans le théâtre européen de la première modernité, Clotilde Thouret ne choisit pas la facilité, et ce à plusieurs égards. Tout d'abord, le sujet est énorme d'un point de vue bibliographique, aussi bien pour les sources que pour la littérature critique qu'il a suscitée. Qui plus est, l'optique comparatiste qu'elle adopte complique d'emblée la tâche qu'elle s'est assignée : son ouvrage étudie, en effet, les théâtres anglais, espagnol et français, entre 1580 et 1640. Cela entraîne automatiquement une amplification bibliographique, outre le fait que traiter la littérature dramatique de plusieurs pays lui interdit toute réduction générique du sujet. On aurait pu regretter qu'elle n'ait pas étendu son étude aux théâtres allemand et italien, mais élargir ainsi son propos aurait mis en danger le principe de rigueur intellectuelle de l'ouvrage et l'idée même de synthèse. Il fallait, en l'occurrence, résister à une certaine tentation encyclopédique, chose à laquelle l'auteur a par ailleurs très bien réussi dans la constitution de son corpus, dirigée par un principe de sélection éclairée. Une autre difficulté du sujet consistait dans les a priori que la critique pouvait avoir sur le monologue, notamment en ce que, souvent, il est conçu comme le lieu nécessaire de l'expression d'une intériorité, et en ce que cette expression refléterait radicalement cette dernière. Il fallait donc identifier ces présupposés, pour mieux se garder de les prendre pour acquis, ce qui n'est guère aisé quand on aborde un sujet aussi monumental. Enfin, Cl. Thouret a adopté, dans son étude, une approche pluridisciplinaire. Elle ne se contente pas ici de considérer le monologue dans sa seule dimension dramaturgique ou poétique, mais ouvre sa réflexion à d'autres considérations, en tentant d'articuler logique dramaturgique et logiques historique et anthropologique — en faisant notamment appel aux travaux de l'historien Norbert Elias1. Elle a donc le souci de replacer le monologue dans un contexte singulier, dont elle a parfaitement perçu et su rendre la spécificité. Cependant, cela ne l'a pas pour autant empêchée d'esquisser les singularités propres aux trois pays considérés. Cette volonté d'appréhension globale, à la fois synthétique et complexe, témoigne de l'ambition de son projet critique. On peut regretter, parfois, que cette approche pluridisciplinaire ne soit pas encore plus approfondie, notamment dans la troisième partie de l'ouvrage2, d
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