D’un dictionnaire, le lecteur attend avant tout une utilité pratique, consultant l’ouvrage aux articles qui l’intéressent à titre d’information, d’enquête ou de vérification. Aussi est‑il peu d’ouvrages dont on franchisse si allègrement les seuils, au sens que Gérard Genette a donné à ce terme : prend‑on le temps de lire les préfaces de dictionnaires ? Pourtant, comme la métalexicographie le montre1, celles‑ci sont souvent essentielles, dans la mesure où elles nous donnent à la fois la raison d’être, le mode d’emploi et les principes du dictionnaire — en un mot, et au sens étymologique, son intelligence.Le Dictionnaire des mouvements artistiques et littéraires 1870‑2010 d’Alain et Odette Virmaux (spécialistes d’Artaud et du surréalisme2) ne fait pas exception à la règle, s’ouvrant par un « Avertissement » qui justifie les choix et les limites de l’ouvrage, complété par une « Note » sur la réédition actualisée dont nous bénéficions aujourd’hui3, ainsi que par un « Mode d’emploi » qui explicite la méthode adoptée par ce dictionnaire. Mais à ces présentations de mise s’ajoute une petite curiosité : la mention de « Deux charges incisives contre l’avalanche des “ismes” dans les années 1910 », l’une anonyme et l’autre signée Diaghilev. Derrière leur apparence anecdotique, ces documents dessinent en creux à la fois le centre de gravité chronologique et le centre d’intérêt épistémologique de ce dictionnaire : les regroupements intellectuels par lesquels la modernité littéraire et artistique s’est incarnée entre la fin du xixe siècle et celle du xxe, de manière durable ou fugace, marquante ou simplement pittoresque.Et c’est bien là l’une des ambitions et des forces de cet ouvrage, où l’érudition se mêle à la curiosité : nous donner accès, mais aussi rendre justice, à cette forêt de mouvements que les arbres surréaliste, impressionniste, futuriste, naturaliste (etc.) ont bien souvent caché. Le lecteur pourra ainsi apprendre, au fil des pages, en quoi consistent l’ariélisme, le déprimisme, le nunisme, le mac‑mahonisme, le pérennisme, le visionnarisme, le féerisme… ou encore le paroxysme et le synoptisme polyplan, dont Nicolas Beauduin fut l’ardent défenseur.Ainsi inspiré par un travail de reconnaissance et de redécouverte des « ismes » (mais pas seulement, car au‑delà des ismes au sens strict, l’ouvrage mentionne quantité d’écoles et de collectifs plus ou moins célèbres ou éphémères), le dictionnaire d’A. et O. Virmaux obéit à des choix méthodologiques qui peuvent é
↧