Variations d’échelleL’article de Guillaume Gesvret, « Espace et affect dans les dernières œuvres de Beckett : variations d’échelle », est caractéristique de l’esprit de l’ensemble de l’ouvrage collectif intitulé Samuel Beckett 2 : « Parole, regard et corps ». L’auteur y examine le « principe de disproportion » chez Beckett, analysant les paradoxes « du resserrement extrême ou de la béance sans fin » (p. 91) dans le théâtre beckettien avec une subtilité des plus convaincantes. En partant du constat que l’écriture de Beckett est « une écriture qui déstabilise les conditions de tout repérage » (p. 92), G. Gesvret retrouve cet enjeu concentré dans la problématique de l’échelle : « l’échelle éprouve donc chez Beckett cette référence perdue (…) dans les deux sens : comme expérience d’un affect angoissé et comme travail critique et plastique » (p. 92). Par le biais des échelles, cet article tisse des rapports entre la question du grotesque, le dynamisme linguistique et des questions concrètes de mise en scène. En cela, G. Gesvret pose les bases des réflexions qui traversent Samuel Beckett 2 — notamment l’observation, faite par Llewellyn Brown, que « l’espace dans l’œuvre de Samuel Beckett est générateur d’étrangeté » (p. 105). En particulier, d’après G. Gesvret, le souci de la mesure qui parcourt toute l’œuvre de Beckett devient une recherche de la disproportion à partir des années soixante. Ceci se manifeste tout d’abord par une réduction et un resserrement : des petits corps qui sont soit atteints de nanisme ou qui vivent dans un monde à échelle réduite, voire « en cours de réduction » (p. 94), mais aussi — et peut‑être G. Gesvret aurait‑il pu en parler davantage — de l’espace dans lequel se déroule le drame (on pense, par exemple, au cloisonnement de W2, M, et W1 dans Comédie), et, tout simplement, de l’ampleur de l’œuvre elle‑même qui se resserre de plus en plus, comme on le voit dans les cinq pages qui font toute la longueur de Solo. Le discours de G. Gesvret sur l’espace est enrichi par l’idée lacanienne de l’infans, ou encore de la marge (« Le désir s’ébauche dans la marge ») — la potentialité du petit corps ou du petit espace. L. Brown relève cette pensée lacanienne dans l’article qui suit celui de G. Gesvret, mais dans une autre perspective, celle du besoin. Les deux articles, centrés il est vrai sur des questions différentes, convergent dans leur sensibilité au processus beckettien de « prêter au petit une intentionnalité » (p. 106). Ajoutons cependant
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