« La femme : la plus belle et la plus admirable des pondeuses et des machines à fécondation » (cité p. 17). Ce type d’avis péremptoire, dont le Journal des frères Goncourt abonde, a largement contribué à reléguer les deux auteurs dans une catégorie figée d’irrécupérables misogynes, décourageant sans aucun doute les chercheurs à approfondir la question de la représentation féminine dans leur œuvre. Or, si la femme apparaît fréquemment méprisée, rabaissée, perçue avant tout dans son « animalité », force est de constater qu’elle se révèle omniprésente, voire centrale, dans la réflexion et le projet esthétique de Jules et Edmond. C’est ce que démontre Domenica De Falco dans son ouvrage La Femme et les personnages féminins chez les Goncourt qui entend combler une lacune importante des travaux goncourtiens et apporter une lecture novatrice de leurs ouvrages.Délaissant quelque peu le pan historique de l’œuvre des Goncourt, l’étude de D. De Falco se veut davantage centrée sur les romans et le Journal, véritable chantier des textes des deux frères. L’alternance constante entre extraits de fiction et écriture diaristique rend le propos d’autant plus convaincant qu’il tend vers l’approche génétique. Soumettre le Journal à une analyse méthodique permet à l’auteure de décrypter la pluralité du discours goncourtien sur les femmes. Sous leur plume « intime », plusieurs types féminins se bousculent en effet, donnant lieu à autant de positions contradictoires : la femme idéalisée (l’aristocrate du xviiie siècle, éminemment positive parce qu’inaccessible) y côtoie ainsi la Femme (abstraite, généralisée, foncièrement négative) et la femme réelle (envers laquelle le discours misogyne s’atténue). Mais qu’en est‑il des personnages romanesques ? Comment les héroïnes s’ancrent‑elles dans l’univers symbolique qui les entoure ? Telles sont les interrogations présidant à l’entreprise. La pertinence de ces problématiques apparaît évidente dans le cadre d’une étude des œuvres fictionnelles goncourtiennes, qui offrent une place de premier choix aux protagonistes féminines. Qu’il suffise, pour en témoigner, de citer les titres d’une grande majorité de leurs romans dont le personnage principal est une femme et auxquels l’essai est consacré : Sœur Philomène (1861), Renée Mauperin (1864), Germinie Lacerteux (1864), Manette Salomon (1867), Madame Gervesais (1869), La Fille Élisa (1877), La Faustin (1882) et, enfin, Chérie (1884). Le choix de prendre en considération les textes d’après 1870
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