« Où sont les femmes ? » claironnait de sa voix aiguë Patrick Juvet en 1977. Que Beaubourg propose en mai 2009 une exposition des œuvres issues de ses collections permanentes composée uniquement d’artistes femmes pourrait bien constituer sinon une réponse du moins sa mise en images. S’il ne s’agit nullement de montrer un art féminin, ni même de présenter des productions artistiques proprement féminisées qui verseraient dans une apologie univoque (ou même controversée) du féminin, ce panorama des différentes artistes, des images et de leurs discours, cette « représentation de représentations des femmes », qui redouble la question de la représentation en lui conférant « un sens transitif », n’est rien moins qu’un état des lieux , au sens littéral, il permet de voir où en sont les femmes artistes de nos jours. Un rapide coup d’œil montre que celles-ci puisent massivement leur créativité dans leur condition féminine , dans ce qu’elle a de plus ostensible justement, que ce soient leur corps, leur sexualité et leur libido comme autant d’avant-postes de leur imaginaire, surjouant certains des stéréotypes masculins de la sexualité tout en réinvestissant les usages d’une séduction sensuellement perçue comme attribut féminin. De quoi une artiste ou écrivain femme dispose-t-elle aujourd’hui ? Quelles sont les différentes modalités/potentialités artistiques de la féminité, de la perception de la masculinité, des relations de l’une avec l’autre ? Qu’en est-il du décalage entre l’intériorisation des désirs, fantasmes et pulsions libidinales et la présentation extérieure de soi en tant qu’être sexuel ? Comment s’émanciper ou plutôt quelle voie construire face à la masculinisation des normes et des configurations sociétales ? Dans quelle mesure ne reste-t-on pas tributaire d’une virilisation défensive ? Est-ce qu’il suffit de « réintroduire du féminin (mais du féminin dessentialisé) dans la théorie sociale » ou, comme le propose François Laplantine, de « réintégrer le sensible dans l’épistémologie » ? Un présupposé mérite d’être clarifié dès lors : dans quelle mesure s’intéresser au genre du créateur et du récepteur est-il une clé de lecture et de compréhension de la création culturelle ? Jusqu’à quel point « la norme du genre » est-elle nécessaire à la pensée et à l’écriture ? Peut-on déculturaliser les représentations féminines telles qu’elles émanent des œuvres artistiques, des phénomènes culturels et médiatiques ? Si l’imaginaire sexuel et sensuel des artistes et écrivains est la condition d’une manipulation auctoriale, celles-ci l’exploitent dans des registres très divers. Les représentations littéraires, filmiques et médiatiques de la question des femmes ne peuvent être détachées d’enjeux politiques et idéologiques, mais également pornographiques et érotiques, fantasmatiques et virtuels, consuméristes, capitalistes et matérialistes. Le féminisme y possède une part active, le terme ne se suffit pas à sa dimension militante et engagée, tant il opère comme résultat d’une prise en main par les femmes de la féminité, ou plutôt de tout ce qui semble leur revenir (ou appartenir), avec toute la force des stéréotypes, excès ou dérives des représentations sexuelles. Le féminisme est ainsi pris en tension : « s’il encourage les femmes à prendre la parole en tant que telles, c’est afin de n’être pas traitées en tant que telles. Autrement dit, des femmes parlent en tant que femmes pour ne pas se voir assigner un rôle de femmes ». Un certain féminisme au pluriel cherche à proposer des voies alternatives entre capitalisme et patriarcat. Non pas un repli identitaire, stigmatisé un peu facilement à une rhétorique féministe agressive ou à un féminisme militant (ce qu’il peut comporter d’excessif et de caricatural), mais une nouvelle alliance, au-delà d’une critique d’une masculinité hégémonique – cela fait déjà quelques temps qu’elle ne l’est plus –, révélant tout le potentiel de transformation générique dont la création féminine fait preuve aujourd’hui. Les dossiers thématiques POP-EN-STOCK, comme les articles individuels, sont à soumission ouverte. Une fois un numéro thématique « lancé », il demeure ouvert, indéfiniment, à quiconque voudrait y soumettre une collaboration. La longueur des articles est variable. POP-EN-STOCK accepte une limite inférieure équivalent à sept ou huit pages (3000 mots), afin de favoriser la publication rapide, mais peut aussi accepter des articles beaucoup plus longs selon l’offre (n’étant pas limitée par un impératif de préservation de la forêt boréale).
↧