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Signes, discours et sociétés , n° 14 : "La construction des identités culturellesdans les séries télévisées"

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Référence bibliographique : Signes, discours et sociétés , n° 14 : Identités culturelles dans les séries télévisées , , 2015. Les séries télévisées se présentent désormais comme une production artistique susceptible d'être étudiée à la lumière d’une multitude de disciplines et d’approches. Elles constituent un genre fictionnel particulièrement efficace au même titre que le genre feuilleton au 19 esiècle: sa forme basée sur la récurrence, son accessibilité, son aptitude à pénétrer l’intimité du spectateur et sa facture sérielle, en font un objet culturel qui fait partie désormais du quotidien de chacun. Les séries télévisées rendent compte du réel d'aujourd'hui et proposent bien souvent une forme narrative nouvelle. Si les Etats-Unis sont en quelque sorte les maîtres du genre, on peut cependant constater qu'aujourd'hui le Royaume-Uni, la France, la Turquie, le Canada, l'Amérique du Sud, les pays Nordiques tout comme certains pays de l'Europe de l'Est ont produit et produisent régulièrement des œuvres remarquables. Le statut des séries TV se voit régulièrement revalorisé au fur et à mesure que se développe ce genre à la télévision et dans la plupart des pays. Des thèses universitaires 1, des colloques, des cours universitaires, des livres 2leur sont désormais consacrés! Une telle consécration témoigne assez clairement du nouveau statut que les séries télévisées ont acquis : on se sert désormais, pour les caractériser, de critères analytiques tels que "plans", "scénarios", "rôles" traditionnellement réservés aux œuvres d'art cinématographiques et d'autres critères relatifs à la nature du programme et à celle de leur intérêt. Les séries télévisées sont devenus ainsi tout autant un genre respecté de la fiction tout en étant un genre propre de la culture populaire contemporaine 3. Comme l'écrit L. Limongi dans son introduction aux Ecrivains en séries 4: "tout le monde s'accorde à voir, dans la prolifération sérielle actuelle, un véritable âge d'or tissé d'exigence narrative, de virtuosité formelle, de castings impeccables et de productions pharamineuses". Les séries télévisées contribuent ainsi à construire une fresque narrative et visuelle de sociétés infiniment complexes et plurielles, tout en variant les formes et les sous-genres. L’écrivain et philosophe Tristan Garcia, auteur d’un essai sur la série américaine " Six Feet Under " considère ainsi qu'aujourd’hui, les séries ont une légitimité culturelle totale. On doit les considérer comme étant plus ou moins " le grand roman de notre époque ", et T. Garcia n’hésite pas à comparer la série " Six Feet Under " aux œuvres de Proust ou de Dostoïevski 5. Parmi tous ces critères, il y a ceux qui concernent la manière dont les téléspectateurs perçoivent les séries télévisées en tant que construction, que ce soit dans son aspect " sémantique " (thèmes, messages, etc.) ou dans son aspect " syntaxique " (genres, formules, etc.). Il y a aussi ceux qui concernent plus spécifiquement la manière dont les téléspectateurs perçoivent ces séries via la représentation de leurs identités culturelles. Comme l'ont montré Katz et Liebes 6dans leur célèbre article sur la réception de la série américaine Dallas, chaque téléspectateur se " sert du programme de manière d'abord "référentielle", c.-à-d. en le référant à la vie réelle ". Pour le sémiologue des médias François Jost, le succès mondial des séries télévisées tient d'ailleurs essentiellement au sentiment de familiarité qu’elles parviennent à susciter chez les spectateurs, malgré leur extranéité (altérité linguistique, culturelle, sociale), et ce, grâce à trois ouvertures: l’actualité, l’universalité anthropologique et la médiatisation. Pour lui, par exemple, "la force des séries américaines est de combler deux aspirations contradictoires: l’envie d’explorer le nouveau continent, […] et, en même temps, de trouver dans ces mondes construits la familiarité rassurante d’une actualité qui est aussi la nôtre, […] et, enfin, des héros qui, comme le téléspectateur, accèdent à la vérité par l’image plus que par un contact direct." 7. Jean-Pierre Esquenazi, quant à lui, suggère que c’est la capacité des séries à faire partie du quotidien de leur auditoire et la facilité avec laquelle il est possible d’en discuter qui les rend aussi rassembleuses: "en d’autres termes, la première grande réussite du genre sériel, c’est d’être parvenu à nous proposer des mondes fictionnels qui réussissent à partager notre intimité." 8Comme on le sait, l'identité culturelle s'applique à tous les supports possibles : signes, icônes, logos, images, bâtiments, signalétique, publicités, véhicules, vêtements, médias, affiches politiques, bandes dessinées, caricatures, films et programmes télévisés mais aussi et peut être aujourd'hui principalement, séries télévisées. Cette identité culturelle à l'œuvre dans les séries télévisées crée un style syntaxique et visuel - des codes référentiels - propre à chaque société, lesquelles peuvent être immédiatement compréhensibles et facilement mémorisables par tous ceux qui en sont membres. Ces codes référentiels identifient des cultures, c.-à-d. autant de perceptions, de représentations du monde, autant de formes linguistiques et visuelles voire musicales. Ces codes référentiels peuvent être de natures variées: il existe des codes formels ,graphiques ,fonctionnels ,gestuels ,culturels ,sonores , etc. L'identité culturelle peut ainsi s'exprimer dans les séries télévisées de diverses façons, tant explicitement que de façon implicite. Les séries télévisées peuvent ainsi offrir un bon terrain d'observation pour saisir certaines des caractéristiques propres à nos sociétés et les transformations qui les affectent 9. Elles illustrent, au-delà de leur commune appartenance à une culture télévisuelle contemporaine, un certain mode de production du sens : une certaine façon de concevoir et d'affirmer une identité culturelle. Les séries télévisées apparaissent alors comme autant de manifestations, dans nos cultures contemporaines, de cette façon si particulière d'articuler le sensible et l'intelligible. Que nous apprennent donc les séries télévisées des sociétés qu’elles mettent en scène et de leurs questionnements idéologiques, politiques et sociaux ? Dans un domaine où les codes visuels, textuels ou interactifs sont des matériaux essentiels, ce numéro de notre revue dédié aux " Identités culturelles dans les séries télévisées " pourra ainsi, nous l'espérons, apporter des outils d'analyse pertinents. Partant de ce constat il nous a semblé intéressant de proposer pour ce numéro 14 de la revue Signes, Discours et Sociétés, une réflexion sur les " identités culturelles dans les séries télévisées " propres à chacun de nos pays en tant qu'elles sont des opérateurs cognitifs, perceptifs et sociaux. À lire en ligne… Nadine Boudou s’attache à montrer à travers l’analyse d’une série télévisée américaine, True Detective , comment peuvent être analysés les questionnements idéologiques, politiques et sociaux. L’étude de l’intrigue, des dialogues et du couple de héros lui permet ainsi de faire ressortir la critique sociale et le réalisme social afin d’en montrer son universalité anthropologique. Le succès qu’une telle série a rencontré auprès du public tient, selon elle, à son ancrage dans la réalité que ne cherche pas à masquer sa dimension fantastique. Dans True Detective , la fiction serait utilisée comme une fenêtre ouverte sur une société dont les dysfonctionnements nous la rendent familière. Laetitia Biscarrat s’attache quant à elle, à étudier le rôle du «genre» dans la médiatisation des identités culturelles. Elle étudie ainsi la manière dont les «identités de genre» et les représentations du masculin et du féminin sont mises en scène dans le programme court Un gars, une fille d’Isabelle Camus et Hélène Jacques (1999-2003, France 2). Elle montre ainsi comment le dispositif télévisuel est articulé aux stéréotypes de genre selon les rôles narratifs des personnages. Hélène Breda analyse la série américaine Orange is the New Black selon une perspective socio-narratologique. Selon son hypothèse, les intrigues complexes des séries contemporaines seraient dotées de structures narratives dont les motifs sont comparables à des structures sociales. Cette perspective lui permet d’analyser les relations entre groupes raciaux et ethniques dans Orange is the New Black, qui se déroule dans une prison fédérale pour femmes de l'Etat de New York. Richard Cohen postule que l es séries américaines n'interprètent pas un dialogue ritualisé entre le quotidien du spectateur et sa projection fictionnelle, mais le fétichisent. Il se propose ainsi d’étudier l’identité nucléaire « middle class» et de questionner l'identité dominant le «réalisme» des séries Friends,How I Met Your Mother, Big Bang Theory. Il étudie ainsi leurs décors, leur composition collective et individuelle, leurs dimensions affectives, leurs esthétiques, leurs modèles ludiques et hygiénistes et leurs objectifs moraux, pour montrer que l'identité nucléaire «middle class» qu'elles proposent peut se lire comme le rapport social moyen produit entre le spectateur et son image . Diego Deleville estime que l'étude des séries télévisées américaines permet d'entrevoir les représentations des minorités ethniques, plus ou moins visibles selon les formats. Des séries dramatiques aux sitcoms , en passant par les séries historiques, les minorités sont par alternance dépeints comme immaculés ou affublés des stéréotypes grossiers tenaces. Il démontre ainsi que la télévision qui, au sortir de la lutte pour les droits civiques, se devait d'intégrer les minorités à l'imaginaire et à l'identité américaine, n'a pu relever ce défi, faute aux impératifs économiques et aux barrières culturelles. Aujourd'hui, le processus de représentation de la société américaine se poursuit dans la création de sitcoms mettant en lumière la couche populaire blanche, les poor white thrash Americans .Zemmo Goufo s’attache à partir à analyser les séries produites localement au Cameroun et diffusées plus par les médias privés que par l’unique chaîne publique Cameroon Radio and Télévision (CRTV). Elle pose ainsi un regard sémiotique sur une dizaine de génériques, révélant des marques d’une esthétique écologique en même temps que le déploiement des procédés universellement établis. Pour elle se manifeste dans ces séries une hybridité d’autant plus pertinente qu’au-delà des costumes, des langues en présence et des décors un nouveau type de « planscamerounais»trahissent la couleur locale. Mahamadou Lamine Ouédraogo les jeux de contrastes de l’ethos dans les séries burkinabées. Il montre que les séries télévisées burkinabées se démarquent des productions d’ailleurs en ce qu’elles sont centrées sur l’espace culturel du Burkina. L’écriture filmique burkinabée est celle d’une esthétisation du contraste, eu égard aux interactions entre les valeurs sociales en présence. Mais au-delà de la tension des contrastes, il subsiste une attention du regard auquel les réalisateurs invitent les téléspectateurs. Pour lui les séries burkinabées visent ainsi à l’édification d’une culture de l’«a-tension» comme forme d’identité nationale. Le parcours «a-tensif» fixe ainsi la jonction de la fiction à la réalité, de l’intelligible au sensible. Nilgün Tutal Cheviron ,Aydın Çam ,Merve Kurt se proposent d’analyser la construction de l’identité religieuse dans les séries télévisées produites ou coproduites en Turquie. Les auteurs s’attachent d’abord à déterminer les séries téléviséesayant des contenus religieux, puis à décrire les caractéristiques économico-politiques des chaînes de télévision qui les diffusent. Deux séries à fort contenu religieux les plus regardées sont ainsi analysées: Entre deux mondes (İki Dünya Arasında ), et La Rue de la sérénité (Huzur Sokağı ), série télévisée la plus regardée en Turquie entre 2012 et 2014. Ces deux séries télévisées sont analysées selon la méthode du carré sémiotique de Greimas, basée sur les binômes de termes opposés. Halime Yücel étudie les marqueurs d’identités culturelles dans la série télévisée turque «Avrupa Yakası», sitcom très populaire et plein d’humour qui a été diffusée entre et 2004 et 2009. Après avoir expliqué le contexte politique et social dans lequel la série est située, l’article présente les différentes saisons et s’attache à analyser ce qui fait la spécificité d’une telle série. En effet, «Avrupa Yakası» se déroule dans un quartier particulier d’İstanbul, Nişantaşı : les marqueurs des identités culturelles y sont nombreux. On peut citer: les lieux, les habitations, les caractères des personnages, leur façon de s’habiller, leur utilisation de la langue, etc. Les relations familiales notamment mettent en évidence les contradictions auxquelles une grande partie de la société turque doit fait face: la tradition et la modernité, l’individu et la famille (ou la société), la culture et la richesse.

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