Dans un contexte où l’on parle de plus en plus de gamification ,ludification ou ludicisation , la question du jeu revêt une actualité nouvelle pour tous ceux qui s’intéressent aux technologies numériques. L’objectif de ce colloque n’est pas tant d’aborder la question du jeu vidéo, largement traitée par les Game Studies , que d’interroger de manière élargie les relations qu’entretiennent les technologies numériques avec la problématique générale du jeu. Qu’est-ce qui se joue et se noue entre le numérique et le jeu ?
D’un côté, depuis les années 1960, le jeu a progressivement investi les technologies numériques pour en faire de nouveaux instruments ludiques : cette première articulation entre jeu et numérique a donné naissance aux jeux vidéo, qui se sont constitués en une industrie florissante (dimension du game ). D’un autre côté, depuis les années 2000, la « jouabilité » tend à devenir progressivement une caractéristique générale des technologies numériques, bien au-delà des seuls jeux vidéo : cette seconde articulation entre numérique et jeu part du constat que « le jeu sur support numérique n’est plus aujourd’hui uniquement l’apanage de l’objet “jeu vidéo” » , d’où l’idée de ludicisation » (S. Genvo, 2011). Ce qui nous conduit à demander : qu’il soit jeu vidéo ou non, le phénomène numérique serait-il intrinsèquement « ludogène » (S. Vial, 2012), c’est-à-dire générateur d’attitudes ludiques (dimension du play ) ?
L’attitude ludique, en effet, est au fondement de la vie psychique. « La maturité de l’homme, c’est d’avoir retrouvé le sérieux qu’on avait au jeu quand on était enfant » , disait Nietzsche. C’est pourquoi, contrairement à ce qui est souvent dit, il n’est pas nécessaire d’être un gamer pour comprendre les jeux vidéos. Certes, jouer à un jeu vidéo est décisif pour qui veut saisir la nature de l’expérience vidéoludique. Mais nous avons tous été « hardcore players » avant que d’être hommes, telle est aussi la leçon de la psychanalyse de Freud à Winnicott.
En outre, le temps est révolu où la population se décomposait entre une minorité de joueurs intensifs qu’on appelait les hardcore gamers et une majorité de non-joueurs. Aujourd’hui, la majorité est une foule de casual gamers de tous âges et de tous sexes (voir Le jeu vidéo en France en 2011 : éléments clés , document publié par le Syndicat National du Jeu Vidéo ). Dans notre monde de plus en plus « gamifié » , nous sommes tous des joueurs occasionnels, que ce soit sur notre navigateur Web, notre smartphone ou nos tablettes.
Autrement dit, le jeu fait désormais partie intégrante de l’expérience numérique offerte à tous et pratiquée par chacun. À moins que ce ne soit l’inverse : le numérique a peut-être toujours été affaire de jouabilité. Dès lors, ce qu’on appelle gamification n’est peut-être que le moment à partir duquel la « ludogénéité » intrinsèque du numérique devient socialement visible. Il s’agira donc dans ce colloque non seulement de (re)penser le jeu vidéo à l’heure de la gamification , mais également de (re)penser le numérique à l’heure de sa ludicisation .
Le colloque est public et gratuit. L'entrée est libre dans la limite des places disponibles.
Programme de la journée
Colloque public et gratuit. Entrée libre dans la limite des places disponibles.
MATINÉE
9h00
Ouverture du colloque par Bernard DARRAS et Stéphane VIAL, organisateurs
9h15
La vie en jeu avec les compagnons numériques
Bernard DARRAS (PR),Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Institut ACTE, Master Multimédia Interactif (MMI)
9h45
La théorie de la ludicisation : une approche anti-essentialiste des phénomènes ludiques
Sébastien GENVO (MCF),Université de Lorraine, Centre de recherche sur les médiations, membre de l’OMNSH
10h15
Pour introduire le « playsir » : jouabilité psychique et ludogénéité numérique
Stéphane VIAL (PhD),Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (MMI), Institut ACTE, membre de l’OMNSH
10h45
Break
11h00
Quels savoirs du play ?
Mathieu TRICLOT (MCF),Université de Technologie de Belfort-Montbéliard, membre du laboratoire IRTES-RECITS
11h30
Productions créatives issues du jeu vidéo et compétences communicationnelles
Fanny GEORGES (MCF),Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, membre de l’OMNSH
12h00
Pause-déjeuner
APRÈS-MIDI
13h30
Vivons-nous dans un jeu ?
Éric MAIGRET (PR),Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, CIM / « Communication et Politique » (CNRS)
14h00
Une petite histoire du jeu vidéo : de la technologie au transmedia
Stéphane NATKIN (PR),CNAM, directeur de l’École Nationale du Jeu et des Médias Interactifs Numériques
14h30
Extension du domaine du GamePlay
Étienne MINEUR (ENSAD),Designer et directeur artistique, Éditions Volumiques, Laboratoire IDN (Ensad)
15h00
Break
15h15
Une économie politique de la gamification : capacités transformatives, pouvoir et jouabilité
Olivier MAUCO (PhD),Chercheur, Game Designer, directeur de création chez Antidox, membre de l’OMNSH
15h45
Serious Games en entreprises... mythes et réalités
Valérie LAVERGNE-BOUDIER (PhD), Directrice scientifique KTM Advance
16h15
Pour une analyse rétro-prospective du rapport entre phénomène ludique et technologie numérique
Etienne Armand AMATO (PhD),Université Paris 8, Laboratoire Paragraphe, président de l’OMNSH
16h45
Conclusion du colloque par Bernard DARRAS et Stéphane VIAL, organisateurs
17h00
Cocktail de clôture
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