Colloque international, Aix-en-Provence (4-6 juin 2013)
La question du double sens (ou sens multiple), ou plus exactement ce qui le rend possible, à savoir l’existence de la polysémie dans les structures sémiotiques des langues, constitue pour toute théorie de la signification une pierre de touche. Elle met en effet à l’épreuve la théorie du signe linguistique et interroge les relations qu’entretient l’énoncé avec son contexte référentiel.
L’objectif de ce colloque est de réunir des spécialistes de linguistique générale, plus précisément des sémanticiens, et des spécialistes de différents domaines linguistiques, en particulier des indianistes, afin de contribuer au dialogue entre ces disciplines et de favoriser les éclairages mutuels.
Les communications prendront place au sein des trois thématiques suivantes :
1) Un volet descriptif, orienté vers les usages du double sens (ou sens multiple) dans les littératures – au sens le plus large de ce terme – de diverses langues, donc vers la rhétorique et la poétique. L’objectif est de proposer une analyse de ce procédé discursif là où l’on peut observer sa mise en oeuvre récurrente et systématique, en précisant quels sont les types d’énoncé concernés. Une attention toute particulière sera accordée au domaine indien : le double sens y occupe en effet une position qu’il n’occupe nulle part ailleurs, non seulement dans le discours rituel, où il met en scène la réciprocité entre le sacrifice et l’action bénéfique des dieux et sert d’expression à des spéculations sur les équivalences qui structurent le cosmos, mais aussi dans la littérature « savante », où il joue un rôle essentiel dans la construction d’un certain nombre de figures (en particulier celles qui expriment une analogie), quand il ne constitue pas en lui-même une figure à part entière. On peut en observer l’emploi le plus radical dans un genre qui fleurit vers la fin du premier millénaire, celui de l’oeuvre entièrement à double sens, qui déploie simultanément deux récits indépendants, ou un récit et un traité didactique, etc. L’entreprise descriptive donnera lieu, bien évidemment, à une approche comparative et typologique.
2) Un volet historique, qui s’intéresse aux théories élaborées par un certain nombre de traditions savantes pour rendre compte du double sens et de son utilisation dans le cadre du discours. Là encore, le cas indien sera privilégié, puisque cette problématique fait l’objet d’une réflexion théorique et descriptive approfondie et en constante interaction avec les usages littéraires, notamment dans les traités de poétique, qui s’interrogent de manière récurrente sur le statut de ce procédé, sur les relations qu’il entretient avec les figures de style et, de façon plus générale, sur son rôle dans la sphère esthétique.
polysémie 2013
3) Un volet sémiologique, consacré à la polysémie, car même si les axes théoriques les plus influents en sémantique contemporaine ont déjà bien balisé la question ‒ la sémantique cognitive avec notamment M. JOHNSON (1987) ; la psychomécanique ou plus généralement, la linguistique guillaumienne avec O. SOUTET (2005) et J. PICOCHE (1986) ; l’analyse sémique ou componentielle avec Chr. CUSIMANO (2008) ; la linguistique culiolienne par J.-J. FRANCKEL (2005), et même des approches que l’on pourrait qualifier d’herméneutiques comme celle de P. CADIOT et Y. M. VISETTI (2001) -, l’engouement pour ce domaine de recherche ne se dément pas. Chaque année, outre les thèses enregistrées ou soutenues sur ce sujet, des études de sémanticiens dont les approches sont déjà bien installées dans le paysage théorique, en particulier en sémantique, viennent nourrir le débat et la réflexion. Tout récemment encore, quand Chr. TOURATIER, dans la dernière mouture de La Sémantique (2010) fait la part belle à la polysémie, Fr. RASTIER, dans un essai paru en 2011, lui consacre un chapitre intitulé « De la polysémie à la monosémie ». En linguistique générale aussi, des analyses contrastives de la polysémie dans les différentes langues du monde continuent d’alimenter le débat et conduisent à modifier les conceptions traditionnelles sur la question.
Il convient enfin de préciser que toute communication exprimant des réserves sur le fait polysémique serait également bienvenue. Le colloque pourrait ainsi être l'occasion d'une discussion portant sur la théorie du signe, discussion à aborder sans a priori théorique, fût-il saussurien.
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