«L’Astronomieau xix e siècle»
Numéro 2014-4 de la revue Romantisme
Laurence Guignard & Sylvain Venayre
Et vous, brillantes sœurs! étoiles mes compagnes […]
Lamartine.
Argument
L’histoire de l’astronomie a jusqu’ici surtout concerné la glorieuse époque des pionniers des xvi e et xvii e siècles – Tycho Brahé, Galilée ou Kepler. Le xix e siècle, quant à lui, n’a suscité que de rares travaux. L’époque romantique fut pourtant marquée par un intérêt intense pour l’observation du ciel, éperonné par le souci nouveau de la météorologie. Du point de vue théorique, ce fut certes un temps de latence, entre les ruptures incarnées par Newton et Einstein. Mais les observations se multiplièrent. Elles concernaient de nouvelles planètes (Uranus en 1781, Neptune en 1846), la nature gazeuse de la surface du soleil et de certaines étoiles, les météorites (dont la chute de Laigle, en 1803, motiva un véritable voyage scientifique), les comètes, la Voie lactée (que l’on commençait à appeler la galaxie), les nébuleuses, etc. Ce progrès des connaissances s’accompagnait de la mise en place d’institutions nouvelles – à commencer par le Bureau des longitudes, créé en 1795, auquel fut bientôt rattaché l’Observatoire de Paris. Un réseau national, puis international d’observateurs (et d’observatoires) se mit en place, qui aboutit en 1887 au programme «Carte du ciel».
Le projet de ce numéro de Romantisme n’est pas exactement de faire l’étude de ce moment de l’histoire des sciences, mais plutôt d’essayer de comprendre de quelle façon l’intérêt pour l’astronomie excédait très largement, à cette époque, les frontières du monde savant. En effet, sous l’effet de la presse, de la littérature de vulgarisation, du roman, de l’illustration, des spectacles forains, une véritable culture de l’astronomie émergea au sein des sociétés d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord. Elle invita à poser un nouveau regard sur le Ciel au moment même où les progrès de la déchristianisation tendaient à vider celui-ci de son imaginaire religieux – et alors que l’esthétique romantique renouvelait le motif de la rêverie sous la voûte étoilée. Ce numéro entend définir au plus près les contours de cette culture originale, qui procédait tout autant de l’état des connaissances astronomiques que de celui des premières industries culturelles et des codes esthétiques, littéraires et religieux alors en vigueur.
Pour cela, nous suggérons deux grands axes de questionnements:
1°) Les représentations de l’observation du ciel.
En l’occurrence, on distinguera:
Les pratiques scientifiques elles-mêmes, fondées sur des lieux (les observatoires), des objets techniques (les télescopes) ou des individus (les astronomes).
La vulgarisation de ces pratiques, suivant des canaux et une chronologie qui restent à établir, laissant certainement une grande place aux «événements» astronomiques: éclipses, comètes, etc.
Les figures qui, très tôt, s’attachèrent à ces lieux, ces objets et ces individus – que l’on songe au célèbre «Promontorium somni» de Victor Hugo, consécutif à l’invitation du poète par Arago à l’Observatoire de Paris en 1834, ou aux commentaires de Claudel sur les photographies des étoiles. Des personnalités remarquables, tels Le Verrier ou les Herschel père et fils, contribuèrent également à la cristallisation d’un type nouveau: celui de l’astronome, qui s’exprima tout particulièrement dans la littérature (Verne) en attendant la bande dessinée (Hergé).
2°) Les représentations du ciel lui-même, telles qu’elles étaient produites par ces observations.
On peut ici distinguer trois objets d’étude privilégiés:
La permanence des anciens imaginaires du ciel, notamment religieux et littéraires, ainsi que des discours sur l’influence du ciel et des astres sur la vie terrestre (les marées, l’atmosphère, les comportements des individus): dans quelle mesure, en particulier, les croyances attachées à l’influence des astres sur les esprits ou les destinées humaines ont-elles été renouvelées au xix e siècle? Leur prise en charge par la littérature, en l’occurrence, signifie-t-elle une disqualification?
La mise en scène des progrès des connaissances sur le ciel: de quelle façon se diffusèrent les convictions scientifiques sur la question de la nomenclature des astres, des limites de l’univers, du vide, des atmosphères ou de la vie extra-terrestre. Les savants (Arago, Flammarion) publiaient des ouvrages destinés à un large lectorat. Le lien entre astronomie et fiction, en l’occurrence, est essentiel: depuis Kepler, la science astronomique utilise en effet la fiction à des fins strictement scientifiques de production de connaissances et d’expérimentation destinés à penser les territoires inconnus et à produire des images mentales de l’univers alors que l’expérimentation est impossible. Au xix e siècle, l’affermissement des preuves scientifiques modifia sans doute le statut de ces fictions, mais fut loin d’en éteindre la dynamique, puisqu’un nouveau genre littéraire émergea avec la science fiction. Les thèmes qui travaillent cette littérature méritent d’être étudiés de la manière détaillée: voyages dans l’espace, habitabilité des planètes ou vie extra-terrestre, figure des voyageurs interstellaires, moyens et méthodes de voyage, espaces traversés.
La production d’images, enfin, doit être considérée comme un élément essentiel de l’imaginaire astronomique, qui connaissait alors le même phénomène de circulation entre savoirs savants et savoirs populaires. Elle concerne toute une imagerie présente dans la littérature populaire, mais aussi la vulgarisation peu connue d’une iconographie scientifique: gravures, photographies, cartographie des planètes et du ciel. La carte de la Lune de Cassini, par exemple, fut publiée dans le Magasin pittoresque dans sa première année d’existence.
Soulignons pour finir le caractère nécessairement artificiel des distinctions que nous venons de suggérer. Les savants se réappropriaient volontiers les images et les idées véhiculées par la littérature ou l’illustration. Camille Flammarion, par exemple, s’en inspira pour développer l’idée d’une vie dans l’espace. La polémique consacrée à la vie sur Mars commanda les travaux du milliardaire astronome Percival Lowell, aux Etats-Unis, à la fin du siècle. Une véritable dynamique animait ainsi les différents aspects de la culture de l’astronomie au XIX e siècle. L’objectif de ce numéro de Romantisme sera également d’en rendre compte.
Calendrier
Les propositions (une page maximum) sont à envoyer avant le 30 avril 2013 .
Les articles, de 30 000 signes seront soumis à une double expertise et devront être remis avant le 30 juin 2014 , pour une parution du numéro à la fin de l’année 2014.
Contacts
sylvain.venayre@univ-paris1.fr — Laurence.guignard@univ-lorraine.fr
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