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"Le besoin de comparer. L’anthropologie historique de Jack Goody"
par Thomas Grillot [13-11-2012]
Jack Goody, doyen des études africaines en Angleterre, s’est imposé comme une voix singulière dans le concert des critiques universitaires de l’ethnocentrisme occidental. Son œuvre, échelonnée sur plus de soixante ans, repose sur une unique ambition: comparer, pour mieux replacer l’histoire européenne dans l’histoire eurasiatique et mondiale.
Récent auteur d’un Vol de l’histoire traduit en français en 2010, Sir Jack (John) Goody (il a été anobli en 2005 pour services rendus à l’anthropologie sociale) est connu aujourd’hui comme un contempteur de l’européocentrisme, variante de l’ethnocentrisme contre lequel les membres les plus éminents de sa discipline ont lutté depuis le début du XXe siècle. Il est aussi l’auteur d’une «hypothèse littératienne» qui a contribué, depuis les années 1960, au bouleversement de notre connaissance des effets de l’écrit sur notre psychologie, nos cultures, nos sociétés. Africaniste, il s’est tourné vers l’Europe, et plus récemment vers la Chine et la Turquie, pour repenser les liens qui unissent les deux extrémités de l’Eurasie, et expliquer les ruptures qui ont vu leurs évolutions diverger, ou se rejoindre. En érudit soucieux de son temps, il a joué un rôle de premier ordre dans les débats qui, depuis les années 1970, ont secoué les sciences sociales occidentales, encore détentrices de la parole scientifique sur le reste du monde, mais déjà sommées d’en rendre raison. Cette position, cette posture même, à la croisée des disciplines et des demandes académiques et populaires, Goody l’a maintenue avec une remarquable constance depuis ses années au King’s College de Cambridge jusque dans sa très active retraite. Une carrière, en somme, et une œuvre, dont il importe de rendre compte si l’on veut mieux comprendre l’actualité d’une obsession qui hante depuis Hérodote l’écriture portant sur les sociétés humaines: la comparaison. Cette tâche de comparer, que d’autres remettaient le plus souvent au lendemain par prudence ou manque de temps, Goody en a éprouvé très tôt la nécessité, et il a trouvé dans l’anthropologie des années 1950 et 1960 un terrain propice pour l’accomplir. Issu d’une tradition intellectuelle hostile à la théorie, il a établi les conditions de possibilité de sa comparaison de multiples manières, et l’a mise en œuvre et testée dans des domaines géographiques variés et sur des échelles de temps qui rattachent une bonne partie de son œuvre à la world history, englobant de la préhistoire à nos jours une bonne moitié du monde habité. Avant d’examiner les questions posées par cette immense ambition, cet essai entend reconstituer les étapes d’un itinéraire, et en proposer aussi l’interprétation.
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"Le besoin de comparer. L’anthropologie historique de J. Goody", par Th. Grillot (laviedesidees.fr)
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