«La fin du livre: une histoire sans fin ?»
Journée d'étude organisée par le RIRRA 21
Le 22 mars 2013
Programme «Expressions littéraires et artistiques, idées et mentalités dans l'Europe d'aujourd'hui».
Les mutations actuelles de l’édition, technologiques comme économiques, bouleversent les normes d’un monde «littéraire» souvent taxé de technophobie et par nature fondé sur la continuité de sa propre tradition. Aussi bien au niveau de la production (traitement de textes spécifiques, facilité accrue de l’auto-édition sur des plateformes ad hoc) que de la réception (court-circuitage des instances de légitimation via la nébuleuse de l’internet et les blogs, émergence de nouveaux prestataires de tendance monopolistique), rien ne devrait longtemps subsister des apparences actuelles. Il faudra voir dans quelle mesure les écrivains, par-delà les protestations, se montrent ou non ouverts à ces mutations. Si à l'automne dernier, dans Premier bilan après l'Apocalypse , la fin du livre papier signifiait pour Frédéric Beigbeder celle de la littérature, d'autres, comme François Bon, fondateur du site remue.net qui héberge depuis 2008 la coopérative d'édition numérique publie.net , pensent que le numérique peut amener des lecteurs à la littérature et que les auteurs et les éditeurs doivent de toute urgence inventer les nouvelles formes de leur métier, qu'il faut «prendre le risque aujourd'hui de quitter le livre papier, cette beauté de matière, 300 ans d'histoire, parce que cet objet ne peut plus attraper le monde en face de lui».
Le symbole le plus brûlant de ce débat global c’est donc bien l’objet-livre lui-même, auquel la littérature a fini par s’identifier, rendant indémélable contenu et support. Avec l’apparition, annoncée irréversible, des liseuses numériques, et malgré tous les efforts touchants de celle-ci pour simuler jusqu’au bruit des pages qui tournent, on craint qu’avec l’objet disparaisse tout un monde d’habitudes, de pratiques (prêter un livre, écrire dans ses marges, flâner dans des librairies) mais aussi de sensations (papier, odeur, le rapport entre le livre et l’environnement où on lit)qui font partie de l’imaginaire commun des auteurs et des lecteurs.
L’ombre de la fin du livre est donc tombée sur la galaxie Gutenberg. Une fois de plus? Car s’il convient de penser ces mutations dans leurs spécificités actuelles et vraiment inédites, le thème n’est pas pour autant neuf. Implicitement, il est contenu dans le fait même que le livre est lui-même le produit de mutations techniques et de concurrences médiatiques, et par là-même susceptible de déclin historique – le fameux «ceci tuera cela» hugolien. Il y a un siècle, l’apparition du cinéma et du phonographe avait déjà provoqué une vague d’écrits annonçant la même évidente fin du livre. Il paraît alors nécessaire de retracer la généalogie et les présupposés d'une question contemporaine et de s’interroger, au nom même des enjeux présents, sur ce qui dans le débat actuel appartient en propre au présent, et ce qui, d’autre part, répète plus ou moins consciemment des discours ou des attitudes passés.
Dès lors on pourrait faire l’hypothèse de cette fin du livre comme faisant toujours déjà partie de l’imaginaire littéraire. C’est donc à une réflexion autour de l’histoire littéraire de cette notion (et de ses limites) que le RIRRA 21 souhaite convier les participants à cette journée d’étude . On envisagera bien sûr «la fin du livre» sous sa forme pessimiste et apocalyptique, qui tient, comme on l’a dit, à l’identification partielle de la littérature avec l’objet-livre. Mais, il faudrait également se demander dans quelle mesure la fin du livre n’a pas aussi été, notamment pour une littérature d’avant-garde qui n’a cessé de jouer avec limites spatiales ou typographique, ou pour la littérature d’anticipation, un thème également positif, tout autant qu’une fatalité, la promesse d’un renouvellement formel plus en prise avec le contemporain et le futur. Et si la «fin du livre», loin d’être la «fin de l’écrit», n’était pas tant «la fin de la littérature»que ledébut d’une autre?
Les propositions de communication sont à adresser à Jean-Christophe Valtat et Florence Thérond ( jcvaltat@noos.fr , therond.florence@wanadoo.fr ) avant le 22 décembre 2012.
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