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"Le bruissement de la raison. Sur l'otologie selon Erlmann", par M. Kaltenecker (laviedesidees.fr)

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http://www.fabula.org/actualites/documents/60202.jpgLe bruissement de la raison, par Martin Kaltenecker (mis en ligne le 2/12/13)Dans un ouvrage érudit et suggestif, Veit Erlmann met en rapport «l’otologie», science de l’oreille et de l’écoute, avec l’histoire du rationalisme, et montre que la résonance servit, au temps des Lumières, à comprendre la raison tout en défiant l’intégrité du moi.Recensé: Veit Erlmann, Reason and Resonance. A History of Modern Aurality , New York, Zone Books, 2010, 416 p.Texte publié en partenariat avec la revue Volume! , la revue des musiques populaires.Cet ouvrage représente un apport particulièrement riche et complexe à l’histoire de l’«auralité», à ce que l’auteur appelle lui-même le«débordement récent» des études sur l’ auditory culture (p. 17). Il s’agit pour Erlmann d’inscrire l’otologie, une histoire des connaissances sur l’oreille et les mécanismes de l’écoute, domaine relevant de l’histoire des sciences, dans l’interrogation sur un moment de l’histoire culturelle, et plus précisément philosophique, qu’il situe entre Descartes et la fin des années 1920. Si la pensée philosophique s’étaye traditionnellement sur des métaphores visuelles — miroir, reproduction fidèle, maîtrise, schématisation, surplomb — le domaine de l’ouïe peut apparaître comme son autre; d’innombrables textes ont travaillé cette opposition. Erlmann cite en ouverture un passage célèbre de Diderot sur l’audition comme résonance de cordes mues dans le corps, suscitant en même temps des vibrations sympathiques ( Entretien entre d’Alembert et Diderot, 1769), texte interprété comme l’affirmation «scandaleuse» et anti-cartésienne d’une absence de maîtrise du sujet, d’une attente, d’un envahissement, d’un «effondrement de la frontière entre l’observateur et l’observé» (p. 10). La résonance, ainsi, s’opposerait à la raison, l’une située du côté du sensible et du corps, alors que l’autre maîtrise l’indistinct et contient l’impur, les deux restant «enfermés dans une relation d’altérité catégorielle» (p. 10).Est-ce si vrai cependant? Erlmann se propose de compliquer l’opposition en soutenant que l’idée de la résonance est en vérité «au cœur même du moi des Lumières» (p. 11). Il y a donc «un moment dans l’histoire culturelle de l’occident où raison et résonance se sont développées en contiguïté» et dont il faut mettre en évidence la trajectoire, méconnue par la massive opposition entre l’œil et l’oreille, l’oral et l’écrit, par ce que Jonathan Sterne appelle «la litanie audio-visuelle» (p. 14) [1 ]. «Je pars de l’hypothèse, écrit Erlmann, que l’histoire que l’on nous propose le plus souvent à propos de la constitution du moi rationnel, moi réduisant au silence la sensation et l’émotion comme intrinsèquement incompatibles avec la pensée, n’est que la moitié de l’histoire» (p. 11). Le phonocentrisme de la pensée qui s’auto-affecte, analysé par Jacques Derrida (auquel Erlmann revient souvent et qui lui sert de repère, même s’il le critique sur certains aspects), montre bien qu’il y a lieu d’examiner les «relations complexes entre “compréhension” et résonance, physique et philosophie, l’audition et “le sens de l’être”. [...]De fait, l’union improbable entre raison et résonance est l’emblème même de cette période qui, au moins selon ses propres témoignages, l’a redoutée par dessus tout: la modernité» (p. 14).Lire la suite…

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