Christian Rosset, Quartet - Dans un jardin d'automne : Michaëlis, Debeurme, Vanoli, AlagbéArticle paru sur le site "du9", novembre 2013."Ouvrant pour la première fois un livre, il peut se passer ceci: des souvenirs de lectures, proches ou lointaines, remontent sans prévenir à la surface, par l’effet d’un mot, d’une formulation, d’un trait ou d’une image. Lire, c’est libérer des fantômes. Certains ont une vie éphémère; d’autres sont en devenir permanent. Chacun peut en faire l’expérience. Il n’y a pas de lecture «pure» qui ne soit hantée par ces «impuretés» que charrie le souvenir. Il n’y a pas de concentration absolue sur un objet qui l’exclurait du reste du monde et pourrait ainsi le rendre lisible «pour lui-même» — et lui seul. De brefs épisodes de déconcentration — de distraction plutôt — participent au plaisir de la lecture, comme ouverture et dialogue. Je ne parle pas des citations, références, clins d’œils, habilement glissés par l’auteur; du fait que telle phrase ou tel contour évoquent tels autres, volontairement . C’est ce qui échappe à la volonté qui me semble le plus propre à tisser des liens entre l’auteur et son lecteur. À se reconnaître, l’un, l’autre, par l’effet d’un jeu de projections dans un miroir à plusieurs faces. Cette lecture hantée, aérée par le va-et-vient de cette aimantation à l’œuvre, se frotte à la vie en ce qu’elle peut véhiculer de traces, souvent quasiment invisibles (imperceptibles), parfois baignées d’une clarté qui est, si l’on veut, celle des rêves.Dans mon jardin, j’ai eu la chance ce matin de cueillir un trèfle à quatre feuilles. J’ai donné à ce trèfle le nom de Quartet, en écho à cette forme musicale qui nécessite deux violons, un alto et un violoncelle (on peut songer aussi aux formations des grands jazzmen comme John Coltrane ou Miles Davis). Signe de chance — ou génie du hasard: l’arbitraire des rencontres, des associations; ces quatre livres (bien d’autres combinaisons sont évidemment possibles) ont des choses à se dire, du moins dans l’esprit du lecteur qui, cet automne, porte son regard sur autre chose que des feuilles mortes.C’est la saison de la mélancolie. Mais la bile noiren’en est pas le seul fluide: il y coule encore de la sève. D’où ce trèfle qui incite à reprendre le chemin de la «critique», sachant qu’il ne s’agit pas d’attribuer des points, des étoiles, à ces livres, mais d’explorer ce qui s’agite en eux — et entre eux (cette exploration se traduisant pour l’essentiel en une suite de notations, de relevés, d’indices semés comme autant de petits cailloux blancs sur le chemin). Se perdre un peu serait la moindre des choses… Traversant un territoire où il se passe des choses bien plus qu’intéressantes (entendez: passionnantes) , c’est inévitablement l’orage dans la tête, l’afflux de sang, la montée de la tension, dans le corps. (...)"Lire la suite : http://www.du9.org/dossier/quartet-dans-un-jardin-dautomne/
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