Notre préoccupation première est bien la poésie moderne et contemporaine, où se pose plus particulièrement la question des relations complexes de la prose et de la poésie. Nous faisons remonter la naissance de la poésie moderne à Rousseau, avec les proses poétiques des Rêveries. C’est dire que nous avons bien besoin d’études sur Rousseau certes, mais aussi ses successeurs: Nerval, Sénancour, Maurice de Guérin, à la riche postérité, avant d’en venir à l’aube du XXe siècle, avec Gide, Claudel, Alain-Fournier, Proust, puis à l’épanouissement des Grandesproses surréalistes, les romans poétiques de Giono, la redécouverte par le Nouveau Roman de la poésie, et les poésies plus contemporaines de Jaccottet, Bonnefoy ou Paul de Roux. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas tant le poème en prose, déjà abondamment cadastré par Suzanne Bernard, Yves Vadé, Michel Sandras, que l’encore plus indéfinissable «prose poétique». Pourquoi au XVIIIe siècle le vers se révèle-t-il caduc, de sorte que la poésie trouve refuge dans son apparent contraire, la prose, amorçant une tendance qui ne fera que s’amplifier avec le temps? Peut-on encore écrire en vers, comme l’a cru le Nouveau Lyrisme, avec un Réda par exemple? Poésie «état des lieux»: c’est un des buts que se fixe ce colloque.Il serait toutefois regrettable de ne pas considérer plus avant, dans le temps et dans l’espace, la relation complexe de la prose et de la poésie. Quel sens a la tentative de Boèce au Ve siècle? Pourquoi au Moyen-Âge passe-t-on dans le roman du vers à la prose, en les mêlant éventuellement? Il est troublant de constater que très souvent au sein de la prose s’épanouit le vers, et pas seulement dans la poésie contemporaine: on peut penser aux prosimètres du XVe siècle, à L’Astrée , ou encore sous d’autres cieux au Journal de Bashô ou à l’œuvre du poète chinois Su Shi. Ces références plus éloignées dans le temps et dans l’espace, qui toutefois ont pu influencer nos contemporains, comme Bashô, nourriront notre réflexion et nous permettront de mieux appréhender l’écriture contemporaine et ses interrogations.Ce colloque est partie prenante du programme de recherches de la nouvelle équipe Interactions Culturelles et Discursives (EA 6297), et s’inscrit dans l’axe «Analyse des phénomènes discursifs».Christine DupouyProgramme détaillé.Date et lieu: 3-4-5 octobre 2013 à l’université François Rabelais de Tourssite des Tanneurs (3 rue des Tanneurs 37000 Tours)5 e étage de la Bibliothèque Universitaire9 h -9 h 15: Ouverture par Christine Dupouy.Antiquité et Moyen-Âge: séance présidée par Hélène Maurel-Indart- 9 h 15: Marion Faure-Ribreau, ATER à Paris VII, «Jeux en vers, jeux en prose: les énonciations multiples de l’ Apocoloquintose ».- 9h 45 : Michaël Ribreau, MCF Paris III, «La poésie comme remède. Modalités d’insertion et fonction de la poésie dans la Consolation de philosophie de Boèce».- 10h15: discussion et pause café.- 10h 45: Francesco Montorsi, ATER à Paris IV: l’intervention se propose d’étudier les attitudes et les pratiques de certains traducteurs français du XVIe siècle, qui ont adapté et mis en prose un texte chevaleresque italien. De même, si plusieurs écrivains français ont «mis en prose» des romanzi italiens, au moins un auteur italien, à la même époque, a «mis en vers» un roman arthurien français.- 11h 15: Esther Thouvenin, ATER Université de Lorraine, le prosimètre au XVe siècle.11H 45 : Discussion.12h30: Déjeuner au restaurant universitaire Grat’salad 40 rue des TanneursAprès-midi: lointains exotiques et épanouissement romantique. Séance présidée par Emmanuelle Kaës- 14 h 15: Stéphane Feuillas, MCF à Paris VII: «Mon travail a porté ces dernières années sur un poète et prosateur célèbre de la dynastie des Song, Su Shi (1037-1101), dont l’une des caractéristiques est de transgresser les genres et en particulier d’inventer une forme singulière du poème en prose. Ses poèmes sont également accompagnés de longues préfaces en prose et la concomitance de ces deux écritures reste à bien des égards énigmatique».- 14h 45: Bashô, Daniel Struve, MCF Paris VII: Le genre poétique pratiqué par Bashô, haikai, connaît au début des années 1680 une période de crise, qui autorise toutes sortes de tentatives, touchant aussi bien au vocabulaire qu’à la métrique, reflétées dans l’œuvre de Bashô. Celui-ci finira par trouver une façon originale de marier le vers de haikai et la prose, parcours qui conduit à l’élaboration des célèbres journaux de voyage.- 15h 15: Discussion.- 15H45 : Marie-Gabrielle Lallemand, professeur à l’université de Caen, Prose et poésie dans les romans du XVIIe siècle: l’exemple de L’Astrée : «Le choix de L’Astrée s’est imposé parce qu’il s’agit d’un roman pastoral et que les bergers s’expriment en poésie comme Monsieur Jourdain en prose. Il s’agit du roman qui comprend le plus grand nombre de poésies insérées, mais ce qui vaut pour ce long roman vaut pour l’ensemble des longs romans et, à notre connaissance, pour bon nombre des fictions narratives de ce siècle dans lequel sont insérées des poésies».- 16h 15: Jean-Damien Mazaré, AMN, Université de Provence: «Prose lyrique ou prose poétique ? Rousseau et la voix de la modernité»..- 16H45:Discussion. Pause gourmande.- 17h 30: Sandrine Bedouret-Larraburu, MCF Université de Pau et des Pays de l’Adour, « Le Centaure et La Bacchante de Maurice de Guérin»: «Nous voudrions réfléchir à la syntaxe de la langue guérinienne, pour analyser comment s’organise le souffle poétique».- 18 h : Discussion.VendrediMatinée: Les débuts du XXe siècle. Présidence: Michel Collot- 9 h:Jean-Michel Wittmann, professeur à l’Université de Lorraine, «‘C’est poète que je veux être! C’est poète que je suis!’ La poésie dans la carrière littéraire de Gide».- 9h 30: Emmanuelle Kaës, MCF-HDR en stylistique à l’Université de Tours, «La conception claudélienne de la prose dans son rapport au vers et au vers libre et sur la représentation polémique qui se donne dans l’histoire de la prose française dans les Réflexions et propositions en 1925».- 10 h: Discussion. Pause.- 10h 45: Marie-Paule Berranger, professeur à l’Université de Paris 3, Mandiargues., prosateur et poète. Selon Salah Stétié, «bien malin est celui qui, dans l’œuvre mandiarguienne, saurait vraiment délimiter ce qui est propre au domaine poétique de ce qui est propre à l’art de conter».- 11h 15: Discussion.- 12h : déjeuner au restaurant universitaire 40 rue des Tanneurs.Après-midi: Nouveau Roman et poésie contemporaine. Présidence: Marie-Paule Berranger.- 14h: Christine Dupouy, professeur à l’Université de Tours, «Butor et la poésie: autour de Mobile (1962)».- 14 h 30: Sophie Guermès, professeur à l’université de Brest, «Poétique de l’analogie dans les romans de Claude Simon au tournant des années 1960-1970».- 15 h: Discussion. Pause.- 15h 45: Françoise Rouffiat, MCF à l’université de Grenoble 3, «Le retour à la prose dans quelques poèmes d’André Frénaud»- 16h 15: Anne Mortal, Du Bouchet.- 16h 45: Alain Mascarou, Sylvia Baron Supervielle.- 17h 15: Discussion.20h : dîner festifSamedi matin: La poésie d’aujourd’hui. Présidence: Sophie Guermès.- 9h: Dominique Vaugeois, MCF à l’université de Pau, Trassard poète, entretien avec l’auteur.- 9h 30: Michel Collot, professeur émérite à Paris 3, «L’hybridation du vers et de la prose dans la poésie contemporaine».- 10 h: Discussion. Pause.- 10h 45: Marie Frisson (doctorante à Paris 3 et à Bâle), «Des nouvelles de cette ‘vieille taupe’ de poésie: de l’insertion du vers dans la prose entre 1997 et 2007». Il s’agira d’analyser le recours à l’insertion, lyrique ou non, de vers dans la prose des poètes écrivant durant cette décennie, interrogeant les notions de poème, de roman, et par-delà de poésie.- 11h 15: Pierre Grouix, poète, traducteur, spécialiste des littératures scandinaves (il vit actuellement au Danemark) parlera de sa propre expérience.- 11h 45: Discussion et conclusion.
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