À l’entrée « Péritexte » de son Codicille (2009), Gérard Genette rappelle, en un troublant jeu de renvois, la formule de Montaigne « j’ai un dictionnaire à part moi », qui, placée en tête de Bardadrac (2006), allait devenir de fait l’épigraphe inaugurale d’une trilogie d’ « abécédaires », terme qui sera lui‑même commenté sous l’entrée éponyme du dernier volume, Apostille (2012). Si l’« abécédaire », souligne G. Genette, n’est rien d’autre qu’un « livre où apprendre l’alphabet », le « dictionnaire » détourné de son sens strict connaît un succès pour le moins paradoxal, « dictionnaire amoureux de ceci, de cela et même d’autre chose1 ». On peut ajouter à sa suite que si la pratique de la « googlisation » semble avoir sonné le glas des vastes entreprises encyclopédiques ordonnées par pays ou par œuvres, on ne compte plus en effet les dictionnaires consacrés à un auteur, la fantaisie de l’ordonnance thématique compensant la banalité de l’entreprise. Et si la fragmentation en entrées multiples est une façon de donner forme à un divers foisonnant et insaisissable, on ne s’étonnera pas que l’œuvre de Proust s’offre comme « proie » idéale pour une telle pratique, et ce, dès l’origine ou presque. Depuis l’index des noms de lieux et de personnes des deux éditions successives de La Pléiade, avec leurs entrées d’une vingtaine de lignes parfois, véritables petits résumés pour lecteurs distraits, jusqu’au très sérieux Dictionnaire Proust dirigé par Annick Bouillaguet et Brian Rogers (2004), les tentatives de mettre À la Recherche du temps perdu en coupe réglée ne manquent pas. Il faut enfin rappeler que, dès les années 1920, l’idée d’un dictionnaire de ses personnages fut évoquée par les éditeurs : Proust, tout en rougissant d’une « comparaison écrasante » avec Balzac, ne manqua cependant pas de donner des indications sur ce qu’il conviendrait de faire en ce cas, proposant de substituer une « histoire des impressions » aux données purement factuelles.Proust de A à WDeux ouvrages récents (l’année 2013 se prêtant aux célébrations proustiennes, ils ne seront sûrement pas les derniers) viennent s’ajouter à cette liste de listes. Dans Proust et l’Alphabet (2012), Lucius Keller reprend en grande partie une série de notices initialement parues dans le Dictionnaire Proust déjà cité, ainsi que dans son équivalent en langue allemande, la Marcel Proust Encyklopädie (2009), reprise assortie d’une bibliographie et d’une introduction. Il s’agit donc d’un dictionnaire traditionnel, mai
↧