Contrairement à ce qu’on pourrait croire un peu vite, la théorie littéraire a des applications pratiques et concrètes dans nos vies quotidiennes. Qu’il me soit permis de le démontrer en m’appuyant, à titre exceptionnel, sur mon cas personnel.En effet, en dépit de ce que mes précédents écrits publiés ici ou ailleurs pourraient donner à penser, je ne suis pas (seulement) un théoricien froid et sec, adepte des systèmes formalistes sans âme et des lectures desséchantes et désincarnées. C’est même tout le contraire.Sous cette apparence de rigueur, voire d’intransigeance, j’ai un cœur qui bat et auquel il arrive même d’éprouver des sentiments. Et je me fais fort de vous en administrer la preuve séance tenante, en vous narrant, sans indiscrétion ni fausse pudeur, ma plus belle histoire d’amour.L’un sans l’autreLa fille de mes rêves s’appelle Mina. Mina Wanghen. C’est la plus jolie fille de Könisberg, patrie, comme on sait, de la philosophie et de l’imagination. Mais avant cela, c’est surtout un esprit vif et aérien, épris de littérature, mêlant l’intelligence et la sensibilité, la fierté et la délicatesse, l’humour à la française et la mélancolie à l’allemande — qui donc résisterait à un être aussi attachant ?Je pourrais continuer longuement ce paragraphe, mais je me dois de préciser d’emblée un point, et ce d’autant plus que certains lecteurs ont sans doute déjà reconnue Mina : il s’agit, je ne vois pas comment le dire autrement, d’un personnage de fiction.La gracieuse Mina Wanghen est en effet l’héroïne du roman inachevé de Stendhal, Le Rose et le Vert1.Elle mène une existence qui n’est sans doute pas à la hauteur de ses aspirations : à la mort de son père, Pierre Wanghen, elle hérite de plusieurs millions et voit alors se multiplier les prétendants sous sa fenêtre. Mais souhaitant avant toute chose être aimée pour elle-même et non pour son argent (je ne demande pas mieux), elle tâche de convaincre sa mère de faire croire à tout le pays qu’elles sont ruinées. L’opération échouant, toutes deux finissent par se rendre en France, en transitant par Hambourg, peu de temps avant d’être rejointes par une cousine de Strombeck qui arrivera à Paris en passant par Le Havre.La France est un pays dont elle a maintes fois rêvé, en étudiant, en compagnie de son professeur Eberhart, les œuvres de Marivaux et La Bruyère. Elle aime l’ironie française : « C’est précisément à cause de leurs blâmes impertinents que j’aime ces aimables Parisiens », révèle-t-elle. « Elle a trop d’esp
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