Séminaire jeunes chercheurs en critique génétiqueLe 22 mai 2013(14h-16h)Yumiko Muranaka(Université catholique de Louvain / Université Paris IV-Sorbonne) La vision de l’esthétique chez Marguerite Yourcenar :la genèse de l’essai Wilde rue des Beaux-Arts et ses notes de lecture dans le De Profondis d’Oscar Wilde comme traces d’une pensée en évolutionLieu:ITEM. Site Pouchet, 59/61 rue Pouchet 75017 ParisSi l’œuvre littéraire de Marguerite Yourcenar (1903-1987), dans sa conception et son élaboration, traverse presque tout le XXe siècle, elle reste caractérisée par une dimension classique tant au niveau du style que du sujet d’écriture. Aussi, dans l’histoire littéraire, se voit souvent souligné le caractère isolé, sinon proprement insulaire, qu’elle revêt. Cependant, aucune étude ne s’est jusqu’à présent spécifiquement attachée à éclairer les motifs qui poussent Yourcenar à développer sa pratique scripturale créatrice, en se tenant à distance des courants littéraires majeurs qui lui sont contemporains. De la même manière, si, comme l’attestent incontestablement des traces portées par les notes de lecture personnelles de l’écrivain, l’élaboration de ses œuvres s’étale généralement sur plusieurs dizaines d’années, rares sont pourtant les recherches qui visent à mettre au jour l’entièreté du procédé créateur chez Yourcenar. Partant de ce double constat, les recherches que je mène actuellement dans le cadre de ma thèse entendent analyser dans son ensemble le processus de création littéraire qui est celui de l’auteur.Jusqu’à présent, j’ai tenté d’appréhender le processus de création chez Yourcenar, du point de vue de la réception et de l’intégration dans son œuvre des arts plastiques – principalement la peinture et la sculpture. En effet, Yourcenar s’intéresse à l’art pendant toute sa vie, et, tout en se livrant à la préparation et à la rédaction de ses œuvres majeures, elle continue d’ailleurs à publier des essais sur l’art, dans lesquels elle traite de l’œuvre et de la vie de différents artistes. Et une telle démarche fait en réalité partie intégrante du processus de création littéraire chez l’écrivain.Dans le cadre de ce séminaire, je me propose d’analyser, en la tenant pour paradigmatique de cette indissociabilité entre la critique d’art et la création littéraire chez Yourcenar, la genèse de son article «Wilde rue des Beaux-Arts» (1929, 1982), à la lumière des notes autographes que l’auteur a inscrites dans son propre exemplaire du De Profondis (1926) d’Oscar Wilde. Une telle proposition fait en effet suite aux recherches que j’ai menées, durant le mois de juillet 2012, au sein de la bibliothèque personnelle de Yourcenar, aujourd’hui encore conservée dans l’ancienne demeure de l’écrivain, baptisée Petite Plaisance, qui se trouve sur l’Île des Monts Déserts dans le Maine aux États-Unis. Parmi les 6876 livres que renferme cette bibliothèque, dont le catalogue a été établi par Yvon Bernier dans son ouvrage intitulé Inventaire de la Bibliothèque de Marguerite Yourcenar. Petite Plaisance (Clermont-Ferrand, SIEY, 2004), j’ai surtout consulté 95 ouvrages qui avaient tous pour sujet l’art. À ce titre, l’exemplaire que Yourcenar possède du De Profondis de Wilde se révèle particulièrement riche en marginalia , que l’écrivain aurait écrites de sa main lors de sa lecture. Ainsi, en venant compléter l’analyse génétique des deux versions successives de l’article de Yourcenar «Wilde rue des Beaux-Arts» (1929 puis 1982), l’examen de ces notes de lecture permettra d’éclaircir l’évolution de la pensée que l’auteur développe au sujet de l’esthétique. Une telle étude visera également à montrer en quoi la lecture que Yourcenar a réalisée, dans sa jeunesse, du De Profondis de Wilde constitue chez elle l’une des sources d’inspiration du motif de la prison, qui parcourt toute son œuvre, en se donnant comme un élément essentiel de son monde romanesque et de sa poétique.
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