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A. Epelboin, A. Kovriguina, L a littérature des ravins. Écrire sur la Shoah en URSS

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La littérature des ravins - Ecrire sur la Shoah en URSSAnnie Epelboin, Assia KovriguinaCatherine Coquio (Préfacier)DATE DE PARUTION : 11/04/13 EDITEUR : Robert Laffont ISBN : 978-2-221-12709-4 EAN : 9782221127094 PRÉSENTATION : Broché NB. DE PAGES : 294 p.Des oeuvres ont été rédigées, souvent d’une force poignante : nombreux sont ceux qui, face aux ravins ou aux ruines des ghettos, ont voulu que l’extermination des Juifs par les nazis puisse rester en mémoire. Mais ces textes, manipulés ou étouffés par la censure, n’ont pas permis qu’advienne "l’ère du témoin" que connaît l’Occident. Ce livre éclaire les raisons qui ont amené les autorités soviétiques à les faire disparaître, comme ils ont fait disparaître les ravins, où toute la population juive a été assassinée par les nazis.La mémoire de substitution, très vite imposée en URSS, gommant la spécificité de ce qu’ont enduré les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, a effacé les traces du génocide une seconde fois. Les problèmes liés à la collaboration avec les nazis d’une partie de la population soviétique ont été refoulés et demeurent une gêne majeure. Pourtant, confrontés à l’assassinat sans pouvoir réagir, certains témoins avaient très tôt décidé d’écrire.Nombreux également ont été les soldats et correspondants de guerre, écrivains jeunes ou expérimentés comme Vassili Grossman ou Ilia Ehrenbourg qui, arrivés sur les lieux lors de la reconquête, n’ont pu se soustraire à la réalité des multiples charniers à ciel ouvert, bien avant de découvrir les camps d’extermination. Le livre révèle cette "littérature des ravins" qui devrait infléchir notre réflexion sur le témoignage, centrée jusque-là sur l’expérience occidentale de l’extermination dans les camps.Le paradigme du témoin rescapé, revenant à la fin de la guerre de lieux très éloignés, n’est plus désormais la seule référence. Écrites sous l’oppression soviétique, censurées, mutilées ou cachées, ces oeuvres sont un appel à la mémoire bafouée à deux reprises. Elles font entendre des voix qui, face à la menace et au désespoir, ont tenté au fil des décennies d’atteindre leur public. Leur rendre justice aujourd’hui, c’est aussi nous permettre de comprendre la Shoah dans toute son étendue.Sommaire:LE FACONNEMENT DE LA MEMOIREUne guerre d'exterminationUne histoire sans la ShoahLe mythe de la grande guerre patriotiqueECRIRE MALGRE TOUTSurvivreDire la souffrance des autresLes découvreurs de traces* * *Sur liberation.fr, on pouvait lire en date du 9/5/13 cet article de M. Semo:La mémoire piétinée Critique Dans l’ex-URSS, le silence persiste sur les fosses où près de la moitié des victimes de laShoah ont été massacréesPar MARC SEMOLes miradors et les cheminées des fours crématoires sont les symboles des camps nazis et de la mort industrielle. Les ravins sont, eux, ceux de l’extermination systématique des populations juives au fur et à mesure de l’avancée allemande dans les territoires de l’ex-URSS, où furent tuées près de la moitié des 6millions de victimes de la Shoah. Le plus tristement célèbre d’entre eux est celui de Babi Yar, «le ravin des vieilles femmes», en périphérie de Kiev. Devenu décharge publique après-guerre, le lieu s’est transformé depuis en un parc de sport et d’attractions où rien sinon un monument générique et une petite menorah (chandelier à sept branches) ne rappelle qu’en septembre1941 y furent assassinés en quelques jours plus de 40 000Juifs de la capitale ukrainienne.Villageois. «La Shoah est inscrite depuis un demi-siècle dans la littérature occidentale et Auschwitz est à présent le soleil noir de notre méditation sur l’homme. Dans le domaine russe, cependant, on ne trouve guère de littérature spécifique portant sur ce génocide», notent Annie Epelboin et Assia Kovriguina dans ce livre analysant l’occultation de cette mémoire dans l’après-guerre, avec les grandes campagnes antisémites lancées par Staline, mais même ensuite et encore jusqu’à aujourd’hui dans la Russie «poutinienne». Depuis la perestroïka, le mot «Kholocost» a fait son apparition, mais pour le grand public «le génocide est considéré comme une part indistincte des meurtres massifs perpétrés dans la population civile par les nazis sans qu’un terme spécifique soit nécessaire». Une situation pour le moins paradoxale alors que cette extermination par fusillades dans les fosses et les ravins s’était déroulée - à la différence des camps de la mort - au vu et su des villageois avoisinants, voire même avec leur participation active, et donc devant des dizaines de milliers de témoins.Les territoires occupés par les nazis de l’ex-URSS ont été en fait «un espace coupé de tout, soumis à la terreur et au massacre permanent […] où l’extermination des Juifs, si elle a été radicale, ne contraste pas de façon aussi saisissante avec le sort commun», écrivent les auteurs, dont la recherche représente un complément essentiel du magistral Terres de sang (Gallimard) de Timothy Snyder, récit sur les millions de morts entraînées dans ces régions par la guerre civile, la collectivisation, la Grande Terreur, l’invasion nazie puis la reconquête soviétique. «Les Russes ont tous souffert pendant la guerre mais il n’y a que les Juifs qui aient été simplement exterminés parce qu’ils étaient juifs», rappelait l’écrivain Viktor Nekrassov après avoir choisi l’exil. Sur place, cette réalité était et reste inaudible. «Les innombrables cadavres y sont une présence immédiate, matérielle, insupportable, ils sont amalgamés à la terre que l’on foule chaque jour au sortir des villes ou sous les fondations des quartiers neufs», soulignent les auteurs. La souffrance mêlée de honte a favorisé l’occultation de la mémoire par le régime. La paysanne qui a récupéré un manteau imbibé de sang pour sa fillette se sent quelque part complice.L’exaltation officielle de la grande guerre patriotique s’est en outre doublée d’une volonté délibérée de ne pas en reconnaître le véritable et effarant coût humain. Staline parlait de 7millions de morts. Il faudra attendre la perestroïka pour que se fasse le véritable bilan, soit plus de 20millions de morts, civils et militaires, dont 2,5millions de Juifs. Des témoins pourtant ont survécu. Des correspondants de guerre soviétiques lors de la reconquête furent les premiers à constater cequi s’est passé comme en témoignent par exemple les récits de Vassili Grossman sur ces villages désormais vidés de toute leur population juive ou ensuite sur Treblinka. Lui et Ilya Ehrenbourg commencèrent ainsi à recueillir les éléments du Livre noir sur les atrocités commises à l’égard des Juifs. Le régime imposa de profonds remaniements au texte qu’il interdit en1947 avant d’arrêter et exécuter en1952 les principaux membres du Comité juif antifasciste.Silence. Le dégel khrouchtchévien entrouvre la porte de la mémoire. Le jeune Evgueni Evtouchenko brise le tabou en1961 avec un poème devenu fameux : «Sur le ravin de Babi Yar il n’y a pas de monument /la pente raide y tient lieu de plaque funéraire.» Cette mémoire n’en reste pas moins suspecte, marginale, noyée dans un roman national global sur la guerre. Le seul récit de rescapé évoquant explicitement la Shoah en URSS et publié dans le pays fut Je dois raconter, de Macha Rolnikaïté, fille d’un avocat juif de Vilnius sorti en1965 mais sérieusement caviardé. C’est à nouveau Vassili Grossman qui, avec son roman Vie et destin, a de façon la plus puissante tenté de remuer ce passé, rappelant comment beaucoup pliaient devant l’occupant comme ils pliaient pendant les campagnes d’extermination des koulaks ou autres. Il décida d’écrire pour les engloutis, de «parler au nom de ceux qui gisent sous terre et ne peuvent plus rien dire». Il ne survivra que peu de mois à la saisie de son livre, qui ne paraîtra en URSS, amputé des chapitres les plus sulfureux, qu’en1988.La fin du communisme n’a pas changé grand-chose. Le silence et la gêne restent. Il n’y a pas eu de réaction contre le silence des pères. Les auteurs constatent : «La disparition des derniers témoins génère aujourd’hui non pas un désir nostalgique de faire entendre leur voix mais le silence et l’inertie.»Un important colloque, «Témoigner sur la Shoah en URSS» organisé par Annie Epelboin et Assia Kovriguina, réunissant nombre des meilleurs historiens sur le sujet se tiendra le 16mai au centre Mahler (9, rue Mahler 75004) et le 17mai au Mémorial de la Shoah (17, rue Geoffroy-L’Asnier 75004).

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