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Cartes et lignes d’erre. Traces du réseau de Fernand Deligny, 1969-1979

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Cartes et lignes d’erre / Maps and Wander lines. Traces du réseau de Fernand Deligny, 1969-1979bilingue français-anglaisAvec 180 cartes (reproduites pleine page et en couleur) de Jacques Lin, Gisèle Durand, Nicole Guy, Thierry Bazzana, Marie-Madeleine Godet, Jean Lin, Marie-Dominique Vasseur, Dominique Lin, Marie-Rose Aubert, accompagnées de descriptions rédigées par Sandra Alvarez de Toledo à partir d’entretiens avec les auteurs des cartes; quelques photographies de Thierry Boccon-Gibod; et un essai de Bertrand Ogilvie.Paris: L'Arachnéen11 avril 2013, 416 pagesISBN: 978295410590155 eurosPrésentation de l'éditeurEn 1968, Fernand Deligny fonde un réseau de prise en charge d’enfants autistes dans les Cévennes, à Monoblet. Quelques années plus tard (1975–1976), il consacre trois numéros de la revue Recherches , fondée par Félix Guattari, à cette expérience qu’il mène en marge des institutions éducatives et psychiatriques. Deligny n’est pas psychiatre. Il parle d’ailleurs plus volontiers d’enfants mutiques qu’autistes. À une époque où la prise en charge de l’autisme infantile est encore mal assurée, il propose un milieu de vie organisé en aires de séjour dans lesquelles les enfants vivent le coutumier auprès d’adultes non diplômés (ouvriers, paysans, étudiants). À ces éducateurs qui n’en sont pas – il les appelle les présences proches ­–, il propose de transcrire les déplacements et les gestes des enfants. Dans chacune des aires de séjour – situées à une quinzaine de kilomètres les unes des autres – et durant dix ans, au jour le jour (le soir ou le lendemain, parfois plusieurs jours après), les adultes tracent des cartes sur lesquelles ils reportent leurs propres trajets puis, sur des calques, les lignes d’erre des enfants. “Pour rien, pour voir, pour n’avoir pas à en parler, des enfants – là, pour éluder nom et prénom, déjouer les artifices du IL dès que l’autre est parlé.” Ces cartes ne servent ni à comprendre ni à interpréter des stéréotypies ; mais à “voir” ce qu’on ne voit pas à l’œil nu, les coïncidences ou chevêtres (lignes d’erre qui se recoupent en un point précis, signalant qu’un repère ou du commun se sont instaurés), les améliorations à apporter à l’aménagement de l’espace, le rôle des objets d’usage dans les initiatives des enfants, leur degré de participation à telle tâche coutumière au fil des jours, l’effet sur eux du geste pour rien d’un adulte (un signe, un repère supplémentaire), etc.Le livre rassemble près de deux cents cartes retrouvées dans les archives en 2010 par Gisèle Durand et Jacques Lin, compagnons de route de Deligny. Il se compose de onze chapitres ou sections, ordonnés chronologiquement et par aires de séjour. D’un lieu à l’autre, les mains qui tracent ne sont pas les mêmes : le “style” de Jacques Lin et Gisèle Durand n’est pas celui de Marie-Dominique Vasseur, Thierry Bazzana ou Nicole Guy. Les modes de transcription changent également : avec le temps, le vocabulaire graphique s’enrichit, devient très ou trop abstrait (à l’image du haut degré spéculatif de la recherche de Deligny), puis revient à un tracer plus simple et plus lisible. Ce sont pourtant les mêmes principes qui inspirent les auteurs de ces cartes : se déprendre d’eux mêmes dans une forme d’écriture, et enregistrer les traces de l’humain de nature que Deligny voit persister là où le langage se retire.La superposition des calques fait apparaître un territoire centripète, à l’intérieur duquel les enfants circulent en tous sens, attirés par des présences, des gestes ou des objets, des foyers de vie. De la trame des trajets et des lignes d’erre se dégagent des points constants où les enfants reviennent se poster, des lieux chevêtres où se conjuguent la présence d’un adulte et une tâche en train de s’accomplir. Des objets émaillent le territoire : objets pour rien, que les enfants transportent à travers l’espace ou mettent en mouvement ; objets quotidiens désaliénés de leur fonction d’usage ; objets qui servent de purs repères, au même titre que les personnes. L’aire de séjour se présente donc comme un appareil à repérer, un espace cohérent et rythmé. Le principe de l’“objet bloc” permet à la fois de feuilleter, de “battre les cartes” (la formule est de Deligny) et de lire en vis-à-vis, plus haut, la description correspondante. Ces descriptions minutieuses, rédigées à partir d’entretiens avec les auteurs des cartes, ont une visée explicite, voire polémique : elles entendent montrer concrètement ce que furent les lignes d’erre, insister sur ce qui fut une pratique, fondée dans une approche spéculative du langage et de l’humain certes, mais mise en œuvre dans le contexte d’une organisation matérielle extrêmement précise. Manière de dissuader les approches d’emblée théoriques qui ont commencé à fleurir, en particulier dans le sillage de la pensée du rhizome de Gilles Deleuze et Félix Guattari.La redécouverte de ces cartes relance moins la question de l’autisme que celle de l’invention institutionnelle d’un espace commun (voir à ce sujet l’essai de Bertrand Ogilvie), d’un terrain d’échange (voire de jeu) par-delà les règles sociales et les catégories du normal et du pathologique. L’étrangeté radicale de ces enfants là, qui “habitent le monde sans l’habiter [...], ne font pas pacte avec notre monde”, a donné lieu à ces objets au statut indéfinissable, qui assurèrent pendant dix ans la liaison entre des territoires tout en gestes et en circulations muettes, et les spéculations de Deligny, entre un monde hors langage et sa tentative d’élucidation dans le travail sans fin de l’écriture.L’ouvrage est bilingue et comporte également un glossaire où sont définis les mots du vocabulaire de Fernand Deligny.

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