Eugenie Guillou, religieuse et putain - textes, lettres et dossier de policeDaniel GrojnowskiDATE DE PARUTION : 27/03/13 EDITEUR : Pauvert ISBN : 978-2-7202-1532-2 EAN : 9782720215322 PRÉSENTATION : Broché NB. DE PAGES : 175 p.Au cours de recherches aux Archives de la police de Paris, Daniel Grojnowski a trouvé le dossier d'une femme hors du commun : Eugénie Guillou, qui, après être entrée dans les ordres, est devenue prostituée puis maquerelle. Instruite, la « dame » prend volontiers la plume : d'abord pour plaider sa cause et se raconter, ensuite pour concevoir des stratagèmes érotiques dont elle compte tirer profit, enfin au titre de femme d'affaires pour monter ses petites entreprises.* * *E. Perret a consacré un billet à cet ouvrage sur liberation.fr (3/5/13):Les effets d’annonce d’EugénieFondé sur les archives policières, unouvrage retrace la trajectoire d’une religieuse devenue prostituée.Par Emmanuèle Peyret«R ecevoir le fouet est chez moi une passion, un besoin. Si vous pouvez me trouver un monsieur aisé aimant fesser la femme, je vous dédommagerai généreusement.» L’annonce est parue dans le Journal au début du XX esiècle, à laquelle une note de la police fait écho : « Renseigner à nouveau sur une dame Guillou, dite de Launay, qui habite 16bd des Batignolles. Elle s’est présentée dans plusieurs maisons discrètes dans le but de se faire fouetter par des messieurs ou dames aisées .»Diable, qui est cette femme qui aime tant la bagatelle au martinet ? Eugénie Guillou, née en 1861, disparue des registres de la police de Paris en 1913, que Daniel Grojnowski, historien de la littérature et auteur des Romans de la prostitution , a exhumée des dossiers de la police pour en tirer ce drôle d’ouvrage, composé à partir d’archives de l’administration, d’annonces dejournaux, de lettres envoyées par la susdite à la police. Eugénie Guillou, religieuse et putain , entrée comme novice chez les sœurs de Sion à 19ans et finalement interdite de prononcer ses vœux pour les raisons qu’on imagine.Procédurière, instruite, elle engage des poursuites, raconte son histoire de fille de bonne famille dont les parents ont été brutalement ruinés (allégations jamais vérifiées) ; passant « de la plainte à la vindicte », écrit l’auteur, qui lui diagnostique « une pathologie revendicatrice de type paranoïaque » : la «quérulence» .Diable deuxième, quel est ce drôle de bout de femme, un peu forte, pas très jolie, qu’elle soit déguisée en religieuse ou posant en se touchant le bout de sein pour une de ces délicieuses photos pornos début de siècle ? On perd sa trace dans les archives de 1892à1899, où on la retrouve prostituée à domicile - pas en maison ni sur le trottoir -, avec une spécialité qui a dû faire la joie des policiers qui ont rédigé les rapports : elle fouette, se fait fouetter ou rédige des petites annonces hilarantes : «Gymnastique des doigts ou l’étude rapide du piano, Madame deF., institutrice …», puis se livre allègrement au proxénétisme en organisant des parties fines avec de très jeunes filles. Des parties mises en scène, comme elle le raconte obligeamment dans ses dépositions : sous prétexte de leur donner des cours, elle les punit de ne pas savoir leurs leçons en les fouettant, pendant que les messieurs regardent derrière un rideau percé de trous pour laisser passer leur « sucre d’orge» , qui sera la récompense à sucer pour ces demoiselles… Et le tout à l’avenant.On y trouve aussi un intéressant état des lieux de la prostitution de l’époque, des lettres de dénonciation sur la dame qui fait travailler des mineures, puis à la fin des archives, son salon de « massages », où viennent nombre de femmes se faire, euh, tripoter. Textes de police, lettres, scènes de cul avec ladite en robe de religieuse ou très jeunes filles à « éduquer », on oscille entre le rire, la curiosité, le malaise aussi à imaginer ce qu’a dû vivre la « nonne perverse » qui aimait tant se faire battre.Ses dernières annonces sont un peu pathétiques : « Naguère fleur ignorée dans l’ombre du cloître, âge moyen physique sympathique […], quel mari d’âge sérieux, aisé, aimant et ferme réalisera mon rêve. » Plutôt que cette vie sulfureuse, la putain religieuse voulait peut-être juste trouver un mari, comme toutes les jeunes filles. De la belle matière à film ou à roman.
↧