Édith Fournier aime les défis, et elle sait les relever. En 1991, elle avait donné une version française du texte de Beckett qui, de l’avis de son auteur, restait intraduisible. Beckett lui‑même avait renoncé. Le Cap au Pire d’É. Fournier a réussi à rendre, tant bien que mal, tant mal que bien, ce texte‑limite qui, sans discontinuer, ne veut se dire que « tant mal que pis ». Voici qu’elle tente à nouveau de relever une pareille gageure en traduisant un groupe de poèmes en anglais de son vieil ami Samuel Beckett. Ce court recueil nous offre un excellent raccourci, puisqu’il survole toute la production poétique de Beckett, depuis le premier texte littéraire qu’il ait jamais publié, le quasi mythique « Whoroscope » de 1930, jusqu’à deux poèmes de 1976, « Rondeau » et « là‑bas », en passant par des poèmes des années trente et quarante.Gageure donc que de vouloir traduire « Whoroscope » en français. Dès le titre, jeu de mot joycien sur « whore » et « horoscope », un traducteur non averti pourrait hésiter et trébucher. La tentation est grande de rendre le titre par quelque chose comme « Horoscopute » ou « Jérichoroscope » (écho de Rahab, la prostituée de Jéricho, qui y figure). Mais non, le temps des effets « yau d’poëlle » a passé, et ces équivalents littéraux sonneraient mal. É. Fournier a eu raison de choisir un titre performatif, qu’on serait tenté d’écrire avec un point d’exclamation. « Peste » laisse flotter un écho verbal de cette prostituée, et c’est dans une légère obscénité (« Bordel de Dieu, qu’on le couve ! » pour « hatch it, curse you ») qu’elle fait sentir sinon le blasphème du moins la parodie. Nous aurons besoin de deux séries de notes, celles de Beckett, et celles de la traductrice, pour suivre la série de notations obscures à propos de Descartes. Véritable « monologue dramatique » à la Browning, le philosophe français est saisi au bord de la mort, une mort inévitable causée par les horaires trop matinaux dans un temps glacial que lui imposait Christine, la reine de Suède. L’esprit fiévreux de Descartes fait défiler des images qui recouvrent certains thèmes et obsessions cachées de son œuvre. Maintenant que nous disposons de cette traduction, nous allons pouvoir relire le livre récent qu’Edward Bizub a consacré à ce poème. Dans Beckett et Descartes dans l’œuf, Aux sources de l’œuvre beckettienne : de Whoroscope à Godot1, E. Bizub présente « Whoroscope » comme un brouillon génial qui contient en germe l’ensemble de l’œuvre à venir. Bien des comme
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