C’est bien le théâtre de la vérité que je voudrais décrire.Michel Foucault, Dits et Écrits, t. IIIL’étude de Liliane Campos est le lieu d’un partage critique entre deux discours ou deux « logosphères » qui entrent en contact, voire parfois en collision : le théâtre et la science. Son analyse est en elle‑même une dramaturgie, un espace bien défini où se joue et se déjoue la fable contemporaine de la vérité. L’auteur a fait le choix de ne pas faire une étude diachronique du rapport entre théâtre britannique et science, mais de mobiliser quelques œuvres théâtrales autour desquelles s’articulent des réflexions, des hypothèses, des questions contemporaines qui forment entre elles une sorte d’arborescence bruissant de sens. Pourquoi ces textes et ces créations scéniques, plus ou moins célèbres, plutôt que d’autres ? Pourquoi Tom Stoppard, Michael Frayn, Timberlake Wertenbaker, Sarah Kane, Caryl Churchill, Bryony Lavery, ou encore les collectifs Complicite, Unlimited Theatre, On Theatre, Stan’s Café ? Certes, l’objet de leur théâtre, leurs personnages, leurs outils ou leurs méthodes, ont une relation évidente au monde scientifique — de la médecine à la physique quantique, des mathématiques à la neuropsychologie. Néanmoins, comme l’ont montré bien d’autres ouvrages critiques, dont celui de K. Shepherd-Barr, Science on Stage, que cite L. Campos, cela ne constitue en rien une spécificité. D’autres auteurs de la scène britannique contemporaine ont également convoqué la science pour construire la poétique de leurs pièces. Alors pourquoi cette association à la fois baroque et originale d’œuvres très différentes ? L. Campos s’en explique clairement dès le début :Le critère retenu pour étudier une pièce plutôt qu’une autre n’est donc pas la quantité d’informations savantes qu’elle contient, ni son rapport thématique à la recherche, mais le recours à la science comme mode énonciatif et comme réservoir de mots et d’images que le dramaturge va exploiter. (p. 13)La question centrale reste donc celle du discours scientifique, ou plutôt de son détournement par la scène, c’est une question de langage ou d’expression. Ce théâtre qui prend le discours scientifique en otage ne se propose ni une visée didactique, ni normative ; il met en jeu les vérités scientifiques en déstabilisant à la fois leur valeur signifiante et leur valeur politique. À l’inverse, la science peut prendre à son tour le théâtre au piège et en déformer le geste d’écriture répété, défier également sa maîtrise d
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