Appel à contributionsLa reprise – 06 mai 2013Agôn – Revue numérique des arts de la scène, dossier n° 6À paraître en janvier 2014Sous la direction d’Alice Carré, Marion Rhéty et Ariane ZaytzeffLa revue Agôn consacre son dossier numéro 6 à la question de la reprise, à paraître en janvier 2014.Le mot "reprise" s’est progressivement glissé sous les titres de spectacles dans les programmations des théâtres de ces dernières années, faisant concurrence à celui de "création". Dans un contexte dit de crise, et alors que politiques culturelles et entreprises théâtrales se tournent de plus en plus vers du connu, un phénomène de patrimonialisation de la culture semble toucher de plein fouet les arts de la scène. S’orientant vers des spectacles qui ont fait date, devenant par là références et événements, programmateurs comme artistes semblent faire de la reprise une nouvelle pratique. Cet exercice se décline différemment selon les arts vivants et a fait l’objet de travaux plus ou moins conséquents selon les disciplines artistiques[1]. Il nous intéresse donc de poser la question de façon à la fois globale, transversale et contemporaine : de quoi la reprise est-elle le signe ? La reprise est-elle une façon de remplir les salles en temps de crise ; un nouveau mode d’accès à la connaissance (d’une œuvre, d’un artiste…) et au savoir [2] ; un besoin de célébrer, de l’anniversaire à la commémoration, ses grands hommes, ses temps forts et ses grandes œuvres [3] ; un moyen pour l’artiste de légitimer sa démarche artistique en s’appuyant sur de grandes figures ; un rapport passéiste à la création ; un nouveau levier de créativité pour les artistes, tendus entre la mémoire et le présent ?Face au lieu commun de ces arts dits vivants, sous-entendus éphémères, volatiles, et par là non saisissables, poser la question de la reprise permet d’envisager autrement celles éculées de la reproduction, de la répétition, de la copie, de la variation. Le spectacle vivant comme art de l’éphémère ? Oui, à condition qu’on s’en souvienne, semble nous dire la reprise. Penser la reprise, c’est aussi penser la constitution de ce qui la rend possible, dans son écriture, sa conservation, son accessibilité et son éventuelle remise en jeu. L’exercice de la reprise explore la mémoire sous toutes ses formes, mémoire écrite, mémoire du corps, mémoire orale, et jongle de l’une à l’autre, pour inventer ses propres processus et ses dramaturgies. La reprise ne peut être dissociée de ce sur quoi elle s’appuie : la trace, l’archive, le document, la partition, la captation – à l’heure de la multiplication de ces différents supports et du développement des entreprises mémorielles voire patrimoniales qui leur sont associées –, mais aussi le souvenir, le témoignage, le vécu d’un corps. Elle met en scène une mémoire qui se joue par et dans la représentation et le partage sensible de l’expérience qu’offre et renouvelle chaque soir le spectacle vivant.Au-delà, cette injonction de la trace, du témoignage et du document semble révéler le goût de notre époque pour le réel et invite à envisager la reprise non comme un seul phénomène mémoriel mais comme une marque de fabrique des arts vivants, toute performance étant inspirée et constellée des performances qui l’ont précédées, consciemment ou non [4]. On pourra alors se pencher sur les pratiques de l’emprunt, de la copie, du collage, du montage, et poser la question de ce qui fait reprise : la reproduction intégrale d’une mise en scène, la transmission d’un rôle, l’emprunt d’un ou plusieurs éléments, textes, chorégraphies… ? S’il ne semble pas y avoir de date de péremption d’un spectacle, à partir de quand y a-t-il reprise ?Nous invitons les articles à penser et explorer la reprise autour de quatre axes que nous souhaitons privilégier :- la reprise comme marquage du temps : anniversaires, best of, hommages, commémorations… la constitution de ces nouveaux « lieux de mémoire » – pour reprendre la formule de Nora – questionne à la fois les logiques politiques et économiques, comme les processus de légitimation qui les sous-tendent.- la réception de la reprise : à qui s’adresse la reprise ? Pour qui y a-t-il reprise ? Y a-t-il une mémoire du spectacle suffisamment forte pour que le spectateur qui revient et revoit puisse mesurer la reprise ? Qu’est-ce qui se joue dans cet étrange événement qui fait dire « j’y étais »?- les mécanismes de la reprise : reconstitution, recréation, reconstruction, réactivation, reenactement, restored behaviour, seconde main… S’il y a reprise, c’est qu’il y a d’abord prise possible sur le passé : quels sont les procédés utilisés pour reprendre, récupérer, citer, compiler ? Que nomme-t-on l’original dont on fait la copie ?- enjeux de mémoire, enjeux de création : que reste-t-il de l’œuvre initiale ? Qui est l’auteur de la reprise ? Que signifie reprendre une œuvre dans un nouveau contexte historique, politique et social, avec d’autres interprètes, avec les mêmes ayant vieilli ? Autant de questions qui prennent place dans l’exploration des écarts entre une version et sa reprise, où s’accommodent vérité et fiction, existant et nouveauté.Les contributions peuvent aborder toutes les formes scéniques - théâtre, danse, opéra, cirque, théâtre de rue, marionnette, performance… - de toutes aires géographiques. Si nous souhaitons poser la question de la reprise sur les scènes contemporaines, des mises en perspectives historiques et esthétiques ne sont pas exclues.Les propositions d’article anonymes (3000 signes maximum, espaces compris) sont à faire parvenir avant le 6 mai 2013 au format .doc, accompagnées dans un document séparé d’un bref CV à l’adresse suivante : agon.reprise@gmail.comNous vous rappelons que la revue accueille les images, graphiques, fichiers sons (format .mp3 – encodage 44,1Ghz) et vidéos (format .flv) pourvus qu’ils soient en règle avec la législation en vigueur concernant les droits d’auteur, droits à l’image et droits de diffusion.Nous invitons vivement les contributeurs à consulter les derniers dossiers de la revue Agôn (http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=142) pour prendre connaissance de l’esprit dans lequel ils sont dirigés.Nous invitons également à la consultation de l’enquête sur la mémoire des spectateurs de la pièce de Bob Wilson, Einstein on the Beach , menée à l’occasion de sa reprise à l’Opéra de Montpellier en mars dernier (http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=2166) – enquête qui a nourri les prémisses de ce dossier.[1] On citera ici à titre d’exemple les travaux sur la notation et la partition en danse, le Quatuor Knust, les Carnets Bagouet, la reconstitution du Sacre du Printemps , les travaux de Marina Nordera et Béatrice Massin, le recueil d’articles sous la direction d’Isabelle Launay et Sylviane Pagès, Mémoires et histoire en danse , celui sous la direction de Gérard-Denis Farcy et Vincent Amiel, Mémoire en éveil, archives en création , les travaux sur la scène comme lieu de mémoire à l'université Rennes 2, ceux de Brigitte Prost sur la notion de répertoire, le livre Performance , rassemblant des textes de Richard Schechner traduits en français, aux Editions Théâtrales…[2] Dont Robert Cantarella nous donne un exemple récent en reprenant les cours de Deleuze dans le spectacle Faire le Gilles.[3] Les anniversaires de tg Stan, Panorama de Decouflé, Dance de Lucinda Childs, la reprise d’ Einstein on the Beach en 2012…[4] «Performances are made of bits of restored behavior.» Richard Schechner, Performance studies: an introduction . London, New York: Routledge, 2002. p.30.
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