Référence bibliographique : «Littératures d'outre-tombe: ouvrages posthumes et esthétiques contemporaines», dossier thématique publié par Salon double, observatoire de la littérature contemporaine , Salon double, 2013.Les exemples d’oeuvres posthumes sont multiples; ainsi, Ecce Homo de Friedrich Nietzsche, Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand, La mort heureuse d’Albert Camus et 2666 de Roberto Bolaño ont tous été publiés —et reconnus comme de grands textes— après la mort de leurs auteurs. Il convient de s’interroger sur cette pratique de publication et sur son impact sur les littératures actuelles, celles qui sont en train de se faire et dont la réception n’est pas encore fermée par un discours académique et institutionnel.Salon doublepropose, à travers ce dossier, d’interroger certains ouvrages publiés récemment de façon posthume. Peu importe l’année de la mort de leur auteur; ce qui nous intéresse, c’est de questionner l’inscription (ou non) de ces titres dans les littératures actuelles.Il apert d'emblée que le sujet du présent dossier est assez problématique. Il soulève un nombre incalculable de questions intitutionnelles, poétiques, esthétiques, etc., auxquelles nous n'avons pas souhaité répondre: nous avons plutôt choisi de laisser carte blanche à nos collaborateurs, qui ont abordé différents cas que nous vous présentons ici.«Table des matières»:D'abord, Audrée Wilhelmy s'intéresse à Testament de Vickie Gendreau, dont le titre exprime la teneur: écritavant le décès de l'auteure condamnée par une tumeur au cerveau, ce texteantemortem «contredit la mort de l'auteur telle que proclamée par Roland Barthes». Wilhelmy interroge donc le voyeurisme triomphant de notre époque, qui conditionne la réception d'une oeuvre comme celle-ci. Dans un texte consacré aux romans Suite française d'Irène Némirovsky et Les Bienveillantes de Jonathan Littell, Marius Conceatu met au jour un véritable «jeu de lecture» qui peut faire d'une oeuvre posthume un texte contemporain et d'un texte contemporain une oeuvre posthume. Il affirme en effet, au terme de l'analyse croisée de deux textes aux conditions de publication fort différentes, que «le contemporain est une question de réception, tenant d’une concordance heureuse entre une œuvre et la sensibilité du lecteur momentané». Daria Bardellotto, de son côté, s'interroge sur la pertinence de publier de façon posthume le «brouillon» d'une oeuvre inachevée par son auteur, mort assassiné avant de l'avoir complétée. Elle regarde «l'oeuvre-monstre» Pétrole de Pier Paolo Pasolini et réfléchit au concept nitzschéend'inactuel, propre à caractériser le texte analysé ici. Emmanuel Deronne, quant à lui, livre dans son texte le témoignage d'un éditeur, puisqu'il a choisi de faire paraître sous forme de livres électroniques certains romans inédits écrits par son père dans les années 1950. Il se pose donc la question à savoir si un texte inédit et inachevé peut être avant-gardiste. On a donc là le point de vue privilégié de celui qui arrange, adapte et recrée, peut-être même, une oeuvre pas encore reçue. Louis-Daniel Godin explore dans sa contribution les différents mouvements à l'oeuvre dans les textes posthumes d'Hervé Guibert : le deuil de lui-même, impossible à réaliser, auquel l'écrivain condamné à mort doit faire face; l'anticipation de la mort, annoncée, prévue, mise en scène; le désir de filiation, c'est-à-dire de laisser derrière luiquelque chose qui survivra à la mort; et finalement la transcendance opérée après la mort, justement, par cette forme de survivance. De son côté, Jean-Philippe Gravel, qui a étudié avec l'écrivaine Nelly Arcan dans le cadre d'un séminaire de psychanalyse, réfléchit de façon toute personnelle au cas de certains de ses textes parus après sa mort, surtout à celui de «La Honte», nouvelle qui, selon lui, annonçait un roman à venir et une nouvelle étape dans l'oeuvre d'Arcan. Finalement, Rana El Gharbie vient clore ce dossier avec un texte sur Le Passé défini , un journal rédigé par Jean Cocteau à l'attention des lecteurs de l'an 2000; une oeuvre pensée dès sa rédaction pour un public pas encore né, dans un mouvement particulier analysé par El Gharbie.
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