Colloque organisé par Hélène Vial les jeudi 21 et vendredi 22 mars 2013 à la Maison des Sciences de l’Homme de Clermont-Ferrand Ce colloque constitue le premier volet du projet «Mythologies des savoirs: de l’ivresse aux dangers» que nous développons au sein de l’axe transversal «Les enjeux des savoirs. Héritage, transmission, pouvoirs», coordonné par Philippe Mesnard au sein du CELIS (Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique, EA 1002). Présentation générale du projet «Mythologies des savoirs: de l’ivresse aux dangers» Si la question des savoirs (de leur acquisition, de leurs formes, de leur diffusion, de leurs usages) est évidemment fondamentale dans la littérature de l’Antiquité (cf. par exemple le volume XXXVII de la revue Euphrosyne , paru en 2009) et si en particulier le savoir constitue un motif déterminant dans les mythes, qui le représentent le plus souvent comme objet d’ambitions et de désirs légitimes, rejoignant l’essence même de la condition humaine (cf. le volume 78 de la revue Pallas , paru en 2008 et intitulé Mythes et savoirs dans les textes grecs et latins ), les récits mythologiques grecs et romains abordent aussi de manière récurrente les risques impliqués par la détention de ce savoir. Qu’il s’agisse d’une découverte scientifique, de l’acquisition d’un savoir-faire technique ou, plus largement, du passage de l’ignorance à la connaissance et notamment à la connaissance de soi, de nombreux textes laissent entendre, voire affirment qu’il vaut parfois mieux ne pas savoir ou, tout au moins, ne pas trop en savoir. Empruntant le langage mythique, ils nous décrivent, autour de personnages que leur grandeur et leurs tourments rendent archétypaux, les dérives, les excès et les catastrophes suscités par l’accès de l’homme (que ce soit l’être humain en général ou un individu précis) à un savoir qui aurait dû lui rester inaccessible, qu’il soit l’apanage d’une instance supérieure (les dieux, les dirigeants politiques, les philosophes, etc.) ou, surtout, qu’il devienne, une fois placé dans les mauvaises mains, potentiellement ou réellement destructeur, non seulement pour celui qui en est le détenteur et pour son entourage, mais quelquefois même pour la cité, voire l’humanité tout entière. L’étude des racines antiques de cette question, envisagées comme point de départ d’une chaîne ininterrompue de réécritures allant jusqu’à notre époque, nous semble constituer le meilleur moyen d’analyser les ressorts de son universalité et de son actualité. Cette réflexion collective a pour ambition de mettre en lumière les différentes facettes de ce problème complexe qui, au fil des siècles, des auteurs et des œuvres, révèle la multiplicité de ses dimensions (scientifique, philosophique, morale, psychologique, politique) et soulève d’importants enjeux esthétiques et génériques. Elle s’appuiera, dans ses quatre premières séquences, sur l’étude des grandes figures mythiques grecques et romaines dans lesquelles s’incarne le motif du savoir dangereux, tels les Sirènes homériques, Cassandre dans l’ Agamemnon d’Eschyle et les Troyennes d’Euripide, Prométhée dans le Prométhée enchaîné d’Eschyle, Œdipe chez Sophocle et Sénèque, Theuth dans le Phèdre de Platon, la Sibylle, mais aussi de multiples personnages des Métamorphoses d’Ovide (Actéon, Tirésias, Narcisse, Arachné, etc.) ou encore la Psyché d’Apulée. Ces figures seront envisagées non seulement dans leurs incarnations antiques, mais dans la totalité de leur devenir littéraire, jusqu’au XXIe siècle. Une cinquième séquence sera consacrée à des personnages et des situations bibliques étroitement liés à l’accès à un savoir excessif (cf. par exemple dans la Genèse l’épisode de la tentation et de la Chute, où Adam et Eve consomment le fruit interdit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, ou celui de la Tour de Babel, où Yahvé brouille les langues et disperse les hommes sur la surface de la terre afin de limiter leur pouvoir). Enfin, la dernière séquence portera sur l’étude de mythes littéraires modernes: plus récemment, d’autres figures mythiques liées au savoir dangereux, néfaste, se retournant en catastrophes, ont émergé, parfois entées sur des modèles plus anciens (le Golem, Faust ou Frankenstein que sa créatrice, Mary Shelley, qualifia explicitement de «Prométhée moderne») et touchant au tabou de la création artificielle de l’homme par l’homme comme savoir interdit. PROGRAMME JEUDI 21 MARS 14h: Ouverture du colloque Première partie: Autour d’Homère 1. Les Sirènes de l’ Odyssée 14h15: Pietro Pucci (Cornell University), «Lire, et sa malédiction» 14h45: Sylvie Perceau (Université d’Amiens), «Ulysse et le chant des Sirènes: savoir, plaisir, envoûtement?» 15h15: François Dingremont (EHESS / EPHE), «Les Sirènes d’Homère, retour sur un effet-miroir» Pause 2. Fécondité littéraire des Sirènes homériques en terre grecque 16h15: Camille Semenzato (Université de Lausanne / Université de Zurich), «Sirènes et Muses, quels dangers?» 16h45: Anne-Claire Soussan (docteur de l’Université Paris Ouest, PRAG à l’Université Sorbonne Nouvelle), «Trans-gressions du savoir et de l’espace: les Sirènes dans le voyage aux confins» Deuxième partie: Devenirs des Sirènes et de leur savoir de la Grèce classique au Moyen Âge 1. Vie et mort des Sirènes dans la littérature grecque classique 17h15: Laury-Nuria André (ENS LSH / Institut Catholique de Toulouse), «Les Sirènes d’Apollonios de Rhodes: du désenchantement homérique au sortilège paysager» 17h45: Isabella Nova (Università Cattolica di Milano), «La mort des Sirènes dans la littérature grecque de l’époque classique» VENDREDI 22 MARS 2. Sirènes romaines, entre pensée philosophique et réflexion poétique 9h: Carlos Lévy (Université Paris-Sorbonne), «Allégorie et philosophie: le mythe des Sirènes dans Fin. V» 9h30: Hélène Vial (Université Blaise Pascal), «Savoir, métamorphose et chant: les doctae Sirenes d’Ovide» 3. Sirènes en mutation: le Moyen Âge 10h: Anna Angelini (Università di Siena / Université de Genève), «Les Sirènes du Physiologos et le savoir hérétique: les périls de l’hybridité entre Antiquité et Moyen Âge» 10h30: Giampiero Scafoglio (Seconda Università degli Studi di Napoli), «Les Sirènes et le savoir périlleux dans la Comédie de Dante Alighieri» Pause Troisième Partie: Sirènes d’hier et aujourd’hui 1. Deux réécritures du mythe à la Renaissance 11h30: Hélène Casanova-Robin (Université Paris-Sorbonne), «Parthénopé et autres sirènes dans l’œuvre de l’humaniste Giovanni Pontano: enjeux esthétiques et symboliques d’un mythe de prédilection dans l’univers napolitain» 12h: Nathalie Hervé (Université de Nantes), « Le Chant des Seraines d’Étienne Forcadel ou la tentation du savoir épicurien» Déjeuner 2. Variations littéraires sur la Sirène, du XVIIIe siècle à nos jours 14h30: Houda Landolsi (Université Sorbonne Nouvelle), «“Qui suis-je?”, “Que sais-je?”: Suzanne Simonin ou la Sirène aux forces mortifères» 15h: Salah Oueslati (Université de Manouba), «La sirène et ses dangers dans la poétique de Mallarmé» 15h30: Guillaume Rousseau (Université Paris-Sorbonne / Université de Pau et des Pays de l’Adour), «Les Sirènes d’ Un régicide ou la séduction du savoir évanescent du rêve fictionnel» 16h: Irena Trujic (Université de Montréal / Université de Lausanne), «Le savoir de celles qui sont retournées à la mer: Anne Hébert ou la mort de la Petite Sirène» Pause 3. Sirènes modernes et postmodernes 17h: Gilda Tentorio (Université de Turin), «Ambivalences du logos. De la Sirène à la Gorgona, entre mensonges charmants et questions- riddle » 17h30: Luigi Spina (Université Federico II de Naples), «Le savoir qui tue, ou de l’éternel, dangereux pouvoir des Sirènes» 18h: Clôture du colloque
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