Rhétoriques des arts, XXI INACHEVER Vingt-et-unième colloque du CICADA (17, 18, 19 janvier 2013) Université de Pau (Salle du Conseil de l'UFR de Lettres) Argumentaire Rhétoriques des arts, XXI: «Inachever» On sait les attraits de l’inachevé et du non-finito . L’accident, l’abandon ou la mort donneraient à l’oeuvre un supplément existentiel, au spectateur le libre jeu esthétique des possibles, l’occasion d’une flânerie. D’où le goût des esquisses, des ébauches, des projets interrompus. Rodin fait paradoxalement du non-finito un aboutissement, une visée. De même, en rhétorique, l’ellipse, l’anacoluthe ou l’aposiopèse. Sur un mode différent, le moderne work in progress légitime l’inachevé comme circonstance du processus et condition de l’ «oeuvre ouverte». Sur fond de quelle norme de l’achevé se définit l’inachevé? qu’est-ce que l’inachèvement d’un effet recherché d’inachèvement? qu’est-ce que l’inachèvement dans un contexte qui a exclu toute norme de l’achèvement? Selon les contextes, il y a diverses manières de considérer (et d’interroger) l’inachèvement d’une oeuvre, de valoriser le négatif de l’ in achèvementconçu comme manque par rapport à une intégrité (envisageable ou envisagée). Sauf à prôner l’inachevé comme but, sa valorisation esthétique est, par exemple, liée au relâchement de contraintes et de codes chez l’artiste et chez le spectateur—au jeu et au plaisir qui lui sont associés. Mais en fin de compte, que l’oeuvre soit entière ou non, achevable ou inachevable, et quels que soient les termes ou les critères variables de ce rapport à l’achèvement, ne convient-il pas d’envisager l’inachèvement, non pas comme un état, mais dans sa dimension active: comme un processus à l’oeuvre? La question de ce colloque n’est donc pas l’inachevé comme incomplétude matérielle constatée et définitive—fût-elle la condition d’un supplément—, l’ inachèvement passif d’une oeuvre abandonnée à l’appréciation avant l’accomplissement du dessein initial (à la définition problématique). On s’intéressera plutôt aux exemples et aux questions (historiques, poïétiques, esthétiques) que suscite l’hypothèse d’un inachèvement actif constitutif du geste de la création «en mouvement» ou propre au projet . Si l’inachèvement passif valorise la réception, l’hypothèse d’un inachèvement actif incite à remonter vers les poïétiques de l’ inachever à l’oeuvre. La question n’est plus Qu’est-ce qu’une oeuvre inachevée? mais Qu’est-ce qu’inachever une oeuvre? Elle en soulève d’autres. Ainsi, sur la notion même d’oeuvre ou d’art, sur le rapport de l’oeuvre ou de la notion d’oeuvre (de l’art ou de la notion d’art) à l’idée d’un projet initial ou d’une visée ultime, à une forme fixe ou figée: qu’est-ce qu’une «oeuvre» dans une esthétique de l’inachever? Ou bien encore: l’improvisation relève-t-elle d’une conception de l’inachever par définition des conditions initiales de production—par opposition au non-finito qui renverrait plutôt aux conditions terminales de (non-)finition? L’ inachever semble nous renvoyer à une définition transgressive de l’art, au sens où l’art entend explorer les limites et l’au-delà des limites d’une norme ou d’une règle: limites classiques de la perfection; limites du sens ou de la signification; limites des usages; limites de la perception et du medium, dont l’artiste s’efforcerait continûment de s’affranchir. A l’inverse, on pourra interroger la redondance de l’expression «esthétique de l’inachever», dès lors que la perception serait elle-même toujours «en cours». Il conviendra alors de décrire comment, dans divers registres, les artistes la mettent en oeuvre. L’hypothèse de l’inachever pose également la question du rapport de l’art au changement et à sa durabilité sous la forme d’un inachèvement continûment actif, d’une oeuvre toujours «rouverte», sans cesse transformée et transformante—pour autant que «Oeuvre = transformer quelque chose en vue de transformer quelqu’un» (Valéry). L’inachever incitera enfin à explorer la raison artistique de gestes négatifs d’abandon, de destruction, voire de vandalisme ou d’iconoclasme (le Grand Verre fêlé, les maisons découpées de Matta-Clark). Dans quelle mesure l’oeuvre d’un artiste ne se dessine-t-elle pas comme inachèvement —ou désachèvement —(de l’oeuvre) d’un autre? («Il faut ruiner un palais pour en faire un objet d'intérêt», Diderot, Salon de 1767 ) On abordera ces questions dans le domaine des arts visuels, de la musique et de la littérature, selon des perspectives esthétiques, théoriques, poïétiques et historiques. PROGRAMME Jeudi 17 janvier Après-midi (Présidente: Suzanne LIANDRAT-GUIGUES) 14h30: Aline MAGNIEN (Musée Rodin) “Plus achevé que le fini: l'inachevé chez Auguste Rodin et Paul Cézanne” 15h30: Débat et pause 16h15: Dominique CHATEAU (Université Paris 1) “Le fragment: petite forme autonome, fragmentation finalisée et inachèvement du fragmentaire” 17h15: Débat et pause Vendredi 18 janvier Matin (Président: Jacinto LAGEIRA) 09h00: Marie-Noëlle MOYAL (Université de Pau) “Achever-inachever? Pierre Boulez ou la fécondité d’un parcours créatif paradoxal” 10h00: Débat et pause 10h45: Isabelle THOMAS-FOGIEL (Université d’Ottawa) “‘Inachever’: mot cherchant contexte, en vue de signification, et plus si affinités” 11h45: Débat Après-midi (Président: Dominique CHATEAU) 14h00: Pierre-Henry Frangne (Université Rennes 2) “‘Un livre ne commence ni ne finit: tout au plus fait-il semblant.’ Accomplissement et inachèvement de l'oeuvre chez Mallarmé” 15h00: Débat et pause 15h45: Ronald Shusterman (Université de Saint Etienne) “Hic terminus haeret: inachèvement et intentionnalité” 16h45: Débat et pause 17h30: Joëlle ZASK (Université de Provence) “L'inachever dans l'art comme principe des modes de vie démocratiques” 18h30: Débat Samedi 19 janvier Matin (Président: Pierre-Henry Frangne) 09h00: Bertrand Rougé (Université de Pau) “Effacer, fendre, disloquer, inachever: altération et figuration” 10h00: Débat et pause 10h45: Filippo FIMIANI (Università di Salerno) “Rien à faire. Rhétoriques et poïétiques du prestige en art” 11h45: Débat Après-midi (Président: Ronald Shusterman) 14h00: Jacinto LAGEIRA (Université Paris 1) “Inachèvement et re-enactment dans la poétique de l’histoire” 15h00: Débat et pause 15h45: Suzanne LIANDRAT-GUIGUES (Université Paris 8) “A bout de course. Two-Lane Blacktop, de Monte Hellman (1971)” 16h45: Débat et pause 17h30: Olivier SCHEFER (Université Paris 1) “Romantisme et poïétique de l’inachèvement ou l’infini à l’oeuvre” 18h30: Débat
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