La pornographie au XIXe siècle. Projet de numéro de Romantisme. Entre pornographie aristocratique d’Ancien Régime et porno de masse contemporain, le XIXe siècle se caractérise par le développement d’une pornographie bourgeoise. Bien que la période romantique ait vu se banaliser l’usage du terme «pornographie» dans son acception moderne, elle est pourtant assez fréquemment considérée comme une époque qui n’aurait fait que perpétuer dans ce domaine celle qui l’a précédée ou annoncer celle qui la suivra. Fidèle au questionnement historique que poursuit la revue Romantisme , ce numéro voudrait s’interroger sur la singularité de ce moment romantique ou moderne de la pornographie. Les transformations sociales qui accompagnent la révolution industrielle, l’urbanisation, la libéralisation des mœurs, notable après la Révolution de Juillet, provoquent une véritable inflation de la prostitution, à laquelle on doit rattacher le développement de la pornographie (signalé notamment par la création du vocable qui la désigne). Le phénomène nouveau est la marchandisation de la sexualité et de ses représentations, qu’atteste la création, sensible sous le Second Empire, d’un marché d’images et d’objets obscènes. La troisième République verra la massification de la pornographie sous des formes plus populaires. Or cette nouvelle pornographie est également marquée par la morale bourgeoise, son puritanisme affiché et son refoulement de la sexualité. La pornographie se développe alors sur fond d’hypocrisie et de culpabilité. Elle n’est plus, comme au temps de l’Ancien Régime, la transgression qu’on affiche parce qu’elle témoigne de la liberté d’une caste, elle se fait honteuse. Elle ne choque plus que les «bonnes mœurs». Le développement de «musées secrets», relevé par l’historien Kendricks [1] , se rattache à cette tendance chez les particuliers comme chez les pouvoirs publics: il conduit à rassembler dans des lieux fermés, des objets et imprimés qui ressortissent de l'obscène afin de les collectionner ou de les soustraire àla curiosité du public. L’Enfer de la Bibliothèque nationale est ainsi créé en 1836. Face à cette pornographie bourgeoise honteuse, l’esprit de la pornographie libertine perdure dans les marginalia d’artistes: les annotations de Stendhal en marge de ses manuscrits, les poésies libertines de Gautier, la «Lettre à la Présidente», le Gamiani attribué à Musset… Mais l’art et la littérature s’approprient surtout la pornographie clandestine du siècle sous la forme de l’obscénité, une obscénité le plus souvent refoulée et cachée à l’intérieur des œuvres, qui ne fait pourtant que renvoyer à la société l’image indécente de sa propre hypocrisie, si bien qu’en elle-même et en dehors de toute dimension pornographique, l’obscénité, notamment sous le Second Empire, en arrive à une signification purement idéologique, voire esthétique, en indexant le processus d’implicitation avec lequel tend à se confondre sur le plan formel la modernité. L’appel à contribution sollicite particulièrement des textes susceptibles d’éclairer les points suivants: 1. Les nouveaux supports de la pornographie (gravures, photographie, cinéma, dispositifs optiques…); 2. Le marché de la pornographie à travers le siècle; 3. La répression de la pornographie; 4. La pornographie artiste; 5. L’obscénité littéraire; 6. L’accusation de pornographie (portée contre les auteurs et les artistes); 7. La pornographie populaire. Les propositions d’articles sont à adresser à Alain Vaillant ( alaingp.vaillant@free.fr ) le 31 mai 2013 au plus tard; les articles (30000 signes, espaces et notes compris) seront à remettre avant le 30 avril 2014. [1] Walter Kendrick, The Secret Museum: Pornography in Modern Culture (Berkley: University of California Press, 1996)
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